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La Grande Encyclopédie des Fées

Les univers médiévaux-fantastiques et de fantasy hors récits de Tolkien :
Game of Thrones, Narnia, Harry Potter, romans de David Eddings, Pratchett, David Gemmel, Marion Zimmer Bradley, Terry Brooks, The Witcher, etc.
Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » dim. juin 08, 2014 10:44 am

Les Apsarâ
Parée de senteurs et d'onguents, parfumée, riche en nourriture et jamais labourée, je la célèbre, la mère des bêtes sauvages, la fée des bois.
( Rig-Veda )


Image

Taille :
Fort aimable.

Aspect :
Superbe. Il émane des Apsarâ une telle séduction que le mortel qui les voit en est ravi à jamais. Même les dieux n'y peuvent résister. Taille fine, hanches arrondies, fesses rebondies et cuisses musclées, seins opulents, fermes et haut dressés inspirent l'amour divin. Le visage est d'un bel ovale encadré de cascades de cheveux noirs et brillants. Yeux en amande, bouche en pétale de lotus.

Vêtements :
Demi-nues, parées de senteurs et d'onguents, de colliers, de bracelets d'or et de perles rares. Couronnées de tiares et de couronnes de fleurs, elles portent de lourdes boucles d'oreilles et des clochettes aux chevilles. Elles n'ont pour tout vêture qu'un léger pagne de gaze céleste recouvert de riches ceintures.

Habitat :
Les palais d'or du paradis d'Indra, le royaume céleste des mythologies hindoues. A l'époque première du brahamanisme, les Apsarâ vivaient dans les banians et les figuiers.

Nourriture :
Ambroisie et beurre clarifié.

Mœurs :
Elles sont nées à l'origine du monde quand les dieux barataient l'océan primordial pour en faire jaillir l'ambroisie. Elles vivent auprès de leurs amants jaloux, les Gandharva, mais descendent de temps à autre sur terre connaître l'amour des mortels qui accèdent alors à la condition de héros.

Activités :
Les Apsarâ, Nymphes, Naïades et Fées, règnent sur la faune, la flore et la danse.

Purûravas était un prince d'une grande beauté, re-nommé pour sa générosité, sa piété, sa magnificence et son amour du vrai. une fois qu'il chassait sur les monts de l'Himalaya, il délivra deux Apsarâ enlevées par une meute de démons. L'une d'elle s'appelait Urvaçi. Il la trouva infiniment supérieur en grâce, en élégance et en beauté à toutes les femmes qu'il avait jusque-là rencontrées et en tomba aussitôt amoureux.
"Gente dame, je vous aime, prenez-moi en pitié, accordez-moi en retour votre affection", implora-t-il.
La prière toucha la belle Nymphe au cœur. Et, oubliant les délices du paradis, elle répondit : "Ainsi ferai-je, mais seulement si tu consens aux trois conditions que je vais te poser. J'ai deux agneaux, que j'aime comme s'ils étaient mes enfants ; toujours ils demeurent la nuit auprès de mon chevet et personne ne doit me les enlever. D'autre part, veille à ce que je ne te vois jamais nu. Enfin, tu ne peux me donner pour toute nourriture que du beurre clarifié."
A tout cela le prince consentit.
Alors Purûvaras et Urvaçi vécurent ensemble heureux à Alaka.
A la cour d'Indra, cependant, tous s'ennuyaient d'Urvaçi. Les autres Apsarâ, les Gandharva, les Siddha privés désormais de sa beauté et de ses chants soupiraient après elle.
Dès son retour parmi les célestes, la compagne d'Urvaçi les avait renseignés sur les promesses du pacte conclu avec le prince, aussi les Gandharva chargèrent-ils l'un des leurs, Viçvavasu, d'en préparer la rupture. Une nuit, il s'en vint au lieu où dormaient les deux amants et s'empara des deux agneaux. Urvaçi, réveillé par les cris de l'animal chéri, se mit à se lamenter : "Oh malheur, qui a donc volé un de mes enfants ? Si j'avais un époux vaillant, cela ne se serait pas produit. A qui me faut-il demander secours ? Là où je suis, n'y a-t-il pas de héros ?"
Piqué au vif et espérant qu'elle ne le verrai pas nu puisqu'il faisait nuit noire, Purûvaras bondit hors de son lit, saisit son épée et s’élança à la poursuite des voleurs. A ce moment, les Gandharva déclenchant un orage dévoilèrent aux yeux de la belle la nudité du prince à la lueur d'un éclair. Ainsi, le pacte violé, la Fée trahie disparut instantanément.
Longtemps Purûvaras courut par tous les pays à la recherche de sa bien aimée. Un jour enfin, parvenu au bord du lac Kuruksheta, il s’aperçut qui nageait au milieu d'un groupe d'Apsarâ revêtues de parures de cygne et la supplia de revenir et rester avec lui.
"Qu'ai-je à te dire, répondit-elle, tu as rompu le pacte qui nous liait."
Mais devant son désespoir, la Fée se sentit fléchir.
"Je suis enceinte de toi, va-t'en pour l'instant mais reviens dans un an. A ce moment là ton fils aura déjà vu le jour et je demeurerai avec toi une nuit entière."
Quand l'année fut passée, Urvaçi et Purûvaras se retrouvèrent au kuruksheta et elle lui donna Aysus, son fils premier-né, et ces rencontres annuelles se répétèrent jusqu’à ce qu'elle eût donné naissance à cinq fils engendrés par leur amour.
Un matin elle lui annonça : "Pour me plaire, les Gandharva ont tous décidé de bénir mon mari !"
C'est ainsi que Purûvaras obtint sa place au royaume des Gandharva et ne fut plus jamais séparé de celle qu'il aimait.
Modifié en dernier par Náin le dim. juin 08, 2014 4:43 pm, modifié 1 fois.

Morgoth Bauglir
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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Morgoth Bauglir » dim. juin 08, 2014 11:39 am

Ah les Asparâ... :love: :love:
« Vous êtes comme tous les Français, vous n'avez pas lu Tolkien !
Il n'y a que vous autres qui ne l'ayez pas encore lu. »

Louis LAMBERT, Prélude à l'Apocalypse, p. 118 (cit. par Michaël Devaux dans La Feuille de la Compagnie n° 2, p. 85)

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » dim. juin 08, 2014 12:01 pm

J'en suis pas spécialement fan moi

SauronGorthaur
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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » dim. juin 08, 2014 4:55 pm

je suis pas fan de la mythologie hindoue perso, bien que je concède que celle-ci n'est pas ininteressante
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
#TeamChafouin

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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » lun. juin 09, 2014 8:17 pm

Les Hommes-Fés, Fatis et Féetauds
Le lai est bon à ouïr,
Et les notes à retenir.

( Marie de France )

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Taille :
Grande au regard des enfants. Obéron a trois pieds de haut.

Aspect :
Si le Féetaud des contes n'a pas de formes précise, le Fatis, on le sait, bien que moins merveilleux que le roi Aubéron, est beau comme un Lancelot miniature. Au temps de l'Age d'Or, ils étaient haut de taille, souples ainsi que de blonds peupliers. Les cheveux longs et parfois une barbe solaire, l’œil doux et songeur, et parfois la bouche à fleur de rire, mais aussi brun, le visage hâlé par les longues chevauchées, l'allure plus déliée que guerrière.

Vêtements :
D'or et d'azur. Heaume empanaché, cimier orné de cornes, de branches, d'ailes, de chimères, d'étoiles. Cuissardes finement ouvragées, cottes de mailles à la fois légères et qu'aucune lance ne peut entamer. Ou costume de chasse et de cour.

Habitat :
Les chemins où l'on accède que par aventure. Le royaume d'Obéron, les îles fortunées, les châteaux-miroirs, les labyrinthes de buis, les nurseries. Ou bien des cavernes, les cairns où certaines Fées les retiennent prisonniers. Quelques-uns dans des boîtes de soldats de plomb ou des boîtes d'allumettes. On en voit également traverser les feuillages des tapisseries, les nuages et les mythologies renaissantes des jeux de rôles, des "Donjons et Dragons".

Nourriture :
Les banquets d'Avallon. Les Féetauds se contentent de la méchante soupe des Fées déchues, des restes qu'elles veulent bien leur laisser.

Mœurs :
Irréprochables, bien qu'il ne faille pas oublier la part obscure des êtres de Féerie dans le Protheselaus de Huon de Roptelande.

Activités :
Chevauchent le souffle des légendes.

Aux environs de Saint-Malo on donne le nom de Féetauds aux Fées mâles qui n'ont point de nom spécial dans le français classique, parce que les contes littéraires ne les connaissent pas, constate avec raison Paul Sébillot dans son Folklore de France. On a beau fouiller tous les recoins de la mémoire populaire, des Chroniques gargantuines à la petite mythologie, on ne les y trouves guère. L'Homme-Fée, le Fé, n'a pas de nom, pas de véritable aspect, ni de personnalité précise. Comme si il ne devait son existence qu'au fait d'être le mari de la Fée, comme si son épouse l'avait par son rayonnement effacé et relégué à quelque modeste besogne. Comme aller lui quérir une sage-femme au moment de l'accouchement, chasser, pêcher, faire des enfants. C'est à peu près tout. Mais que pourrait-elle espérer d'un mari lorsque, d'une seule main, elle peut transporter les pierres d'un dolmen sans cesser de filer, faire surgir un palais d'or des flots, une monture ailée d'un bouton de rose, grandir, disparaître, voyager dans les airs, se métamorphoser en toutes sortes de bêtes, de fleurs tout en faisant la pluie et le beau temps. Pourquoi s'embarrasser d'un époux malgracieux et inférieur en puissance lorsque l'on promène une cour de suivantes, d'Elfines, de petits pages Lutins autrement plus doués.
Les Féetauds paraît-il sont lourdauds. On leur connaît si peu d'exploits : l'un a transformé en landes et rocailles les cultures d'un fermier qui avait eu le tort de lui refuser l'hospitalité, un autre possédait un bateau doté du privilège de s'agrandir pour que plusieurs chevaux puissent y prendre place ou bien de rapetisser suffisamment pour qu'il le porte sous son bras aussi aisément qu'un panier. C'est très peu. Et c'est pourtant injuste, car c'est oublier les nobles Fatis, les chevaliers-Fées des lais et légendes, et le bel Obéron. Obéron-le-charmant-aux-boucles-d'or, souverain des royaumes enchantés, des Fées, des Elfes, des Gobelins, de tous les bons voisins.
Aubéron ou Obéron est l'image parfaite du Fatis, du chevalier-Fée qui inspira Shakespeare, Wieland, Weber et tant de récits fabuleux, à la fois poétiques et héroïques. Il est, dit-on, fils de la Fée Morgue et de Jules César ou de Flore et de Hérald-aux-grandes-ailes. IL bâtit en une seconde des palais ravissants, et fait se dresser devant ses protégés des tables chargées de mets exquis. Il comble de prévenances ceux qu'il aime. Enfin il ne doit pas vieillir et entends les anges du ciel. De ses marraines il tient sa petitesse et chacun de ses pouvoirs. Le cor d'ivoire et d'or qu'il porte autour du cou est magique et fut ouvré par les Sirènes en une île de mer. Ainsi le décrivent les bardes de l'Age d'Or.
Aubéron est le protecteur des paladins, des chevaucheurs de quête. A Huon de Bordeaux il prêtera l'olifant, le hanap, sa cotte de mailles qui rend son possesseur invulnérable.
De nombreux Fatis lui tiennent vassalerie. Ce sont eux qui célèbrent les récits épiques et courtois. Ils ont affronté les dragons, chassé les Bêtes Charmuzelles, lancé le gant à la face félonne, rejeté les démons en enfer. Ils ont secouru l'innocent et séduit bien des Fées, des mortelles, des belles-dames-de-margelles. Parmi eux se sont glissé sans doute d'indésirables cavaliers sombres, quelque Fatis des ombres, coupables d'enlèvements et pis, mais jamais aussi terribles que les Elfes Ganconer et autres rôdeurs au cœur noir.
Le temps les a oublié au profit des Fées. Ainsi qu'Arthur et ses preux de Camelot, ils n'ont pas résisté à la fin des temps chevaleresques, préférant se retirer dans les îles Fortunées, Avallon, Tir Na Nog, ralliés par la voix claire du sage Obéron.

Il reste encore des Féetauds - les pâles époux des Fées - ou des mortels enfaytés, des esclaves de Vily et de chasseresses déchues. C'est tout au moins ce que répètent les contes de veillées... car les
Chroniques elfiques en dénombrent bien d'autres. Il est souvent bien difficile aux yeux du commun de les différencier des enchanteurs, des génies lacustres, des grêleurs de vent. Lang-Wapper, les Folleti, les Foireaux sont-ils des Elfes, gnomoncules, daymons ou Fées ? La malice de Puck a tout embrouillé, mais l'elficologue sait sur quel fil tirer.

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » mar. juin 10, 2014 12:54 pm

IV Les Fées de la Mer et des Eaux Douces

Morgans, Mari-Morgans
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux.

( Arthur Rimbaud )

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Taille :
Sans être à proprement parler des nains, ils sont de petite taille, mais gracieuse.

Aspect :
On dit qu'ils ont les joues roses, les cheveux blonds et bouclés, de grands yeux bleus et brillants. Les plus vieux Morgans s’enorgueillissent de superbes et longues barbes blanches striées de fils d'or. Plus ils avancent en âge, plus les Morgans présentent de séduction et de vigueur sexuelle.

Vêtements :
Les Morganezed s'habillent de longue toges de mousseline verte et légère, parsemés de perles fines et de poussière de corail. Des tiares lourdes à pierre précieuses couronnent leurs fronts. Vêtus de tuniques courtes et vertes, les Morganed se couvrent le torse d'adoubement à plaquette d'argent lorsque, montés sur leurs blancs chevaux marins, ils se rendent au combat. Leurs casques en forme de conques s'empanachent de longues crinières de goémon retombant jusqu'aux reins.

Nourriture :
Les Morgans élèvent un bétail marin : dugong ( Halicore australis ) ou "vache de mer", veaux et moutons marins dont ils mangent la chair et boivent le lait. Ils ne touchent ni aux poissons ni aux grands mammifères dont ils sont les alliés. Ils se nourrissent aussi de "pain de safran".

Habitat :
La Bretagne et plus rarement l'Angleterre. Ils demeurent en une contrée que la mer, rendue solide par une puissance magique, enveloppe d'une voûte transparente, à travers laquelle on voit aussi bien que sur la terre. Elle contient des campagnes étendues où croissent des arbres et des plantes étranges, qui tiennent de la flore terrestre et de la flore maritime ; de longues avenues conduisent à de beaux châteaux, ornés de toutes les richesses de l'océan.

Mœurs, Activités :
Ils connaissent et s'adonnent aux sciences des enchantements. Ils ne chantent pas ainsi que les Sirènes mais jouent admirablement de la harpe marine. Pacifiques, nobles, ils relèvent cependant le gant chaque fois qu'on les a outragés.
Ils recueillent et soignent les naufragés.

Les Mari-Morgans sont hommes et femmes. Les hommes s'appellent Morgans, Morganed. Les femmes Morganès, Morganezed, pluriel de Morganès. Ils ont de nombreux points de ressemblance avec les Sirènes, et vers la fin du XIXé siècle on les confondait généralement avec elles, bien qu'il n'eussent pas le corps terminé en poisson et ne fussent pas agressifs. A cette époque on voyait souvent les Morganezed jouer, folâtrer, se coiffer, filer sur le sable fin ou sur les goémons du rivage ; elles offraient des peignes d'or et d'ivoire et des "quenouilles qui ne diminuaient jamais" aux jeunes filles qui les saluaient gentiment. Elles faisaient aussi sécher au soleil, sur de belles nappes blanches, des trésors de toutes sortes. On jouissait de leur vue tout le temps qu'on restait sans remuer les paupières, tout disparaissait au premier battement de cils.
Les Mari-Morgans ont toujours eu d'étroits rapports avec les humains. C'est dans leur palais de verre et de corail qu'ils attiraient ceux qui répondaient à leurs amours, comme on le voit dans ce récit qui contient tous les accents de la sincérité, recueilli par l'infatigable F.M Luzel sur l'île d'Ouessant en 1873, date où les Morgans pullulaient dans la région, bien qu'on en signal toujours aux environs de Crozon :

"Une jeune fille était sur la grève avec ses compagnes, et comme elles parlaient de ses amoureux, Mona déclara qu'elle était aussi belle qu'une Morganès, et qu'elle n'épouserait qu'un seigneur ou un Morgan.
Un vieux Morgan, qui était caché dans les rochers, l'entendit et, se jetant sur elle, l'emporta au fond de l'eau ; c'était le roi des Morgans, et son palais était plus beau que toutes les habitations royales qu'il y a sur terre. Son fils devint amoureux de Mona et pria son père de la lui donner en mariage, mais il refusa, et le força à se marier avec une Morganès. Les fiancés se mirent en route pour l'église, car ces hommes de mer ont aussi leur religion leurs églises sous l'eau, bien qu'ils ne soient pas chrétiens ; ils ont même des évêques à ce que l'ont dit. Mona reçut l'ordre de rester à la maison, pour préparer le festin ; mais on ne lui donna que des marmites vides, qui étaient de grandes coquilles marines, et on lui dit que si tout n'était pas près pour un excellent repas on la mettrait à mort. Le fiancé, feignant d'avoir oublié son anneau, s'enfuit et couru tout droit à la cuisine où, en prononçant quelques mots et en touchant successivement les objets, il produisit un repas, tout ce qu'il y avait de plus beau. Le vieux Morgan dit à la jeune fille qu'elle avait été aidée, mais qu'il ne la tenait pas quitte. Lorsque les mariés se retirèrent dans la chambre nuptiale, il ordonna à Mona d'y entrer, de prendre un cierge allumé et de l'avertir quand il serait consumé jusqu'à sa main. Lorsqu'il fut près de s'éteindre, le jeune Morgan dit à sa femme de tenir un moment le cierge de Mona et quand on eut appris au vieux Morgan qu'il était consumé il entra et, sans regarder, abattit d'un coup de sabre celle qui tenait le cierge. Au point du jour, le Morgan vint dire à son père qu'il était veuf, et lui demanda la permission d'épouser la fille de la terre. Le mariage eut lieu, et le jeune Morgan était rempli de prévenance pour sa femme. Malgré cela, Mona avait envie de retourner chez ses parents ; mais son mari ne voulait pas la laisser partir, car il craignait qu'elle ne revînt pas. Comme il la voyait triste, il lui dit un jour : "Suis-moi et je te conduirai à la maison de ton père." Il prononça un mot magique et aussitôt apparu un beau pont de cristal, pour aller du fond de la mer à la terre. Le vieux Morgan voulut suivre les deux époux ; lorsqu'ils eurent mis pied à terre, le jeune Morgan prononça un mot, et le pont s’enfonça, entraînant avec lui le vieux Morgan au fond de la mer. Le mari de Mona lui recommanda de revenir au coucher du soleil, et d'avoir soin de ne se laisser embrasser ni même toucher la main par aucun homme. Elle oublia sa recommandation et perdit la mémoire de tout ce qui s'était passé depuis son départ pour le pays des Morgans. Cependant elle entendait souvent des gémissements et, une nuit, elle reconnu distinctement la voix de son époux qui lui reprochait de l'avoir quitté. Elle se rappela tout et trouva son mari qui se lamentait derrière la porte. Elle se jeta dans ses bras, et depuis, on ne l'a plus revue."

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » mar. juin 10, 2014 10:11 pm

Les Sirènes
Un être divin, jusqu'à la taille, et belle, mais qui se termine en méandres écailleux.
Maudite et honnie...

( Milton, Paradis perdu )

Image

Taille :
De la taille d'un humain adulte.

Aspect :
"Laid et effrayant, avec de longs cheveux en broussaille et des serres d'aigles. Elles présentent en outre une longue queue écailleuse avec laquelle elles se dirigent dans les flots, en avant, en arrière, à droite, à gauche", les décrit Albert le Grand, mélangeant ainsi les descriptions gréco-latines et la tradition germanique. En fait, au cours des témoignages, des rencontres des captures, des études savantes, de dessins effectués d'après nature, et même de confessions amoureuses, les écailles eurent tôt fait de remplacer les plumes, et les bras doux les griffes ! Chevelure longue et blonde, parfois verte, qu'elles lissent très fréquemment, assises sur les rochers pour en ôter le sel.

Vêtements :
Nues, mais avec des colliers de corail et de coquillages. Les Sirins portent parfois des armures ou des justaucorps et corselets d'un cuir "si dur qu'il est impossible d'en faire des souliers."

Nourriture :
Crustacés et surtout chair humaine.

Habitat :
Des palais sous-marins. La mythologie grecque insiste pour les parquer sur un îlot rocheux entre Capri et la côte italienne.
Les Tchèques les représentent maintes fois sur leurs objets artistiques. En Russie on les nomme Moreski Gudi ou Melzumini ; dans l'île de Man Ben-Varrey ; en Irlande Merrows ou Mara Warra ; en Angleterre Mermaids ; en Ecosse Ceasg, Daoine Mara ; Maighdean Mara ; en Hollande et dans les Flandres maritimes Meerminne, Zeemeerminne ou Marminne.

Mœurs, Activités :
Elles vivent en bande, ou en couple avec leur Sirin jusqu'à l'âge de 29 600 ans, pas un jour de plus, pas un jour de moins...
L’expérience prouve qu'elles ne sont pas toujours aussi sanguinaires et peuvent rendre quelques services. "Lorsqu'on ne s'interpose pas sur leur chemin, elles chantent de jolies chansons et préviennent les pêcheurs du mauvais temps à venir et leur donnent des nouvelles de leurs familles à terre." Lorsque les harponneurs de baleines se rendent vers la mer de glace, le capitaine emporte toujours des friandises pour les Sirènes, car elles sont les ennemies jurées des baleines et le montrent bien.
Les Sirènes ont peur du feu, des torches et des lanternes. Elles étaient aussi connues pour l'exactitude de leurs prophéties.

"N'y a ni poissons ni carpes
Qui n'en aient pleuré,
N'y a que la sirène
Qui a toujours chanté,
Chante, chante, sirène,
T'a moyen de chanter,
Tu as la mer à boire
Mon amant à manger..."
chantent les veuves des disparus dans la mer de Bretagne. Telle est la réputation de la Sirène. Une vie de saint Tulgudal, composée au XIe siècle, raconte que des écoliers se promenaient sur les bords de l;a rivière de Tréguier, quand le dernier de la troupe, qui était d'une beauté remarquable, s'interrompit au milieu d'une phrase, et lorsque ses compagnons se retournèrent ils ne le virent plus. Après l'avoir appelé et cherché vainement, ils invoquèrent saint Tulgudal ; un instant après le jeune homme sortit de l'eau, le pied droit embarrassé dans une ceinture de soie. On lui demanda ce qu'il lui était arrivé et il répondit : "Des femmes de mer m'ont saisi, entraîné sous les roches de l'océan. Enlevé par elles et bien loin, j'entendais pourtant vos voix. Alors s'est dressé devant moi un personnage de figure vénérable, revêtu d'ornements sacerdotaux. D'un bras puissant, il m'a arraché aux femmes de mer et, à travers les ondes refoulées, il m'a ramené au rivage. A sa vue les nymphes ont fui, mais l'une d'elles a oublié de détacher la ceinture dont elle m'avait enlacé, en preuve de mon enlèvement, la voici." Le jeune homme avait eu beaucoup de chance de leur échapper. La plupart du temps les victimes sont moins heureuses et, excepté Ulysse, les Argonautes et Thuys le navigateur, on connaît peu de rescapés.
Les Sirènes sont irrésistibles et le lasso de soie de l'histoire de saint Tulgudal est accessoire : il suffit d'un chant, d'un attouchement, d'une caresse de leurs cheveux pour être emprisonné.
"Elles sont nées d'Achéloos - lui-même fils d'Océanos et de Thétis - et d'une des neuf muses : Melpomène, Caliope ou Terpsichore." D'autres théories les font descendre de la déesse Dorkedo ou Atargatis, de la lignée de Vénus et d'Askalon, et qui se présentait comme femme de grande beauté, dotée d'une queue de poisson ; ou bien
de Perséphone, la reine du monde souterrain ; d'autres encore en font "des filles des Lamies aquatiques". Pour les Bretons c’est Dahut, la fille du roi Grallon, que Saint-Gwénolé, pour la punir d'avoir vendu la ville d'Ys au diable, obligea de se jeter dans la mer à Poul-Dahud en Trestel. Toutes les Sirènes, Syrènes, Seirines, Seraines, sont nées de celle-là. Une légende raconte que lorsqu'elles étaient Nymphes, elles tenaient tant à leurs virginité qu'Aphrodite, exaspérée, les transforma en rapaces : car avant de devenir femmes-poissons la mythologie gréco-latine, Homère, Ovide et le "Palais des animaux" les décrivaient ailées : Les Sirènes ( en grec :
seirên ) sont des monstres mortels qui tuent volontiers les hommes ; elles ont l'apparence d'une femme depuis la tête jusqu'au nombril, et puis elles ont le corps comme celui d'un aigle - leurs pattes se terminent en griffes avec lesquelles elles déchirent leurs proies"... mais c'est surtout sous la forme d'une sorcière serpent que les navigateurs l'ont aperçu sur les mers du monde entier.
Près de Saint-Domingue, Christophe Colomb aurait vu trois affreuses Sirènes s'ébattre dans l'onde ; le capitaine anglais John Smith vit, en 1614, près du Nouveau Monde une femme qui nageait. Elle avait de beaux grands yeux verts, un corps parfaitement formé, de longs cheveux verts. L'homme en tomba amoureux, jusqu'au moment où, par un mouvement involontaire, elle fit voir sa queue.
Parfois elles échouaient sur les côtes et on les capturait. Elles survivaient rarement à la captivité, ou se vengeaient, ou un de leurs compagnons venait les délivrer... ainsi que de nombreuses chroniques en témoignent.
L'une d'elles, de 1187, narre la prise d'une sirène aux environs d'Oxford. Par le plus grand des malheurs, la prisonnière parvint à s'échapper et à regagner son élément naturel.
Thomas de Cantimpré ( 1201-1271 ), lors d'un voyage en Angleterre, entendit de la bouche d'un religieux que des pêcheurs trouvèrent un monstre qui présentait beaucoup de points communs avec une femme. Elle portait une couronne qui affectait la forme d'un petit panier. Elle mangeait et buvait. Elle ne parlait pas, mais lorsqu'elle se sentait mécontente, elle gémissait doucement. La femme de mer mourut trois semaines après avoir été pêchée.
Le cas le plus admirable est celui de la Sirène que de jeunes livreuses de lait prirent dans le Purmermeer, en 1403. Guicciardini, Jean de Leyde, Snoyus Meyer encore en parlent. Cette Sirène toute velue, couverte de mousses et de plantes vertes, ne disait pas un mot mais paraissait parfois soupirer. On la nettoya, on l'habilla. Elle mangeait et buvait comme un être humain. On la transporta d'Edam à Haarlem. Elle apprit à coudre, mais resta muette. Quand elle mourut, on l'enterra dans un cimetière, parce qu'elle avait manifesté quelques sentiments pieux, comme l'avait remarqué une certaine veuve chez laquelle elle habitait.
Waling Dijkstra mentionne, qu'on prit en Frise "un cavalier de mer" en armure complète. On le ramena du milieu de la mer le 10 mars de l'année 1305. Il était très beau de visage et de corps, bien proportionné. pour qu'on pût l'admirer davantage, on l'exposa sur terre, mais il mourut au cours de la troisième semaine, à Dokkum.
Dans les
Traditions Hollandaises de Ter Laan, nous lisons qu'ua nord est de Beverland, dans le Jade, s'étend un banc de sable qui, asséché lors du reflux, est dénommé Minser Olloog c'est à dire, en ancien dialecte de Groningue, le vieux village de Minser. Un jour, les pêcheurs capturèrent une Sirène qu'ils tourmentèrent et lièrent solidement. Ils voulaient apprendre d'elle certains secrets qui guériraient les maladies et les petits inconvénients divers. Mais la Sirène se tut. Elle parvint même à tromper la vigilance de ses gardiens et à s'échapper. Dès qu'elle se fut retrouvée dans la mer, elle se retourna et, de ses mains, projeta un peu d'eau salée sur la digue. Après ces gestes symboliques et prémonitoires, elle replongea et disparut. Le lendemain s'éleva une terrible tempête. La digue céda et le village devint la proie des vagues.
Jan Van Dorp, l'auteur du superbe
Flamand des vagues, raconte l'histoire du Sirin qui implorait les pêcheurs de lui rendre sa compagne prise dans les filets. Comme ils refusaient, il leur lança une terrible malédiction. Cela se passait la veille de la Saint-Vincent. Cette nuit-là, une tempête inattendue se déchaîna et submergea la ville. La Sirène-Homme arriva pourtant trop tard pour délivrer sa compagne : entre-temps, elle était morte. Inconsolable depuis, il arrive près des côtes deux fois par jour, avec la marée montante et, par temps fort, on l'entend pleurer et gémir dans les dunes.
Avant la guerre 1914-1918, le musé Stracké, à Mariakerke, à quelques kilomètres d'Ostende, montrait encore le squelette d'une Sirène.

SauronGorthaur
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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » mar. juin 10, 2014 10:15 pm

du coup tu fais une distinction Morgan/Sirènes? ça a du sens.
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » mar. juin 10, 2014 10:19 pm

SauronGorthaur a écrit :du coup tu fais une distinction Morgan/Sirènes? ça a du sens.

Ca a plus que du sens vu que c'ets pas les mêmes, c'est comme faire la différence ente le Léprechaun/Cluricaune, ou le Knocker/Wichtlein

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » mer. juin 11, 2014 10:56 am

Selkies, Sea Trows, Otariens
S'agit-il vraiment d'un phoque à cou de cygne ?
( B. Heuvelmans, Le Grand Serpent de mer )

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Taille :
Soit celle d'un phoque, s'un être humain "honnêtement proportionné" ou d"un serpent géant.

Aspect :
Le Selkie ou Otarien est plus ou moins protéiforme. Lorsqu'ils restent dans leur royaume abyssal, ils gardent leur apparence de Fées, ce n'est que lorsqu'ils voyagent hors des frontières ou en surface qu'ils prennent l'aspect de phoques, tortues ou d'autres formes que l'on a observées. Une nuit sur neuf à la veille de la Saint-Jean d'été, ils viennent, dès le lever de la lune, aborder les grèves désertes et, laissant glisser sur le sable leur peau soyeuse, apparaissent dans leur incomparable beauté. Profils exquis, traits fins d'une "beauté classique". Les yeux sont noirs, gros et ronds comme ceux des phoques. Chevelure épaisse, longue d'un bleu-vert. Corps flexible, mince, glabre, peau légèrement argentée. Les Trows de mer portent, à hauteur des reins, une large ceinture naturelle d'écailles d'émeraude. Mains et pieds palmés.

Vêtements :
Nus ou peau de phoque. Maximilien Forestus écrit, au livre V de ses chroniques, qu'on a vu le 7 mars 1521, un monstre marin dans la mer de Norvège, lequel, aussitôt qu'il fut pris, vomit un Otarien vêtu d'une armure en bronze souple.

Nourriture :
Poissons.

Habitat :
Le "peuple phoque" habite loin des côtes et très profondément en haute mer. On ne sait rien de leur maisons, sinon que la légende leur prête de gracieux et légers édifices de perles phosphorescentes. On les rencontre dans les eaux des îles Shetland, des Orcades, de Scandinavie, d'Ecosse, d'Irlande, au large des côtes bretonnes.

Mœurs, Activités :
Intelligents, joyeux mais timides. Ce ne sont pas eux qui cherchent à attirer les humains sous les eaux, comme le font généralement les Sirène et les habitants des eaux, mais bien les femmes et les hommes qui en espèrent l'amour. Pour les appeler à la côte, il suffisait de verser sept larmes sincères dans le flot ; aussitôt l'un d'eux apparaissait, quittait sa peau et se faisait amant ou maîtresse. Si on arrivait à dérober et cacher leur peau, ils demeuraient au foyer, le plus charmant époux, la plus adorable compagne, jusqu'au moment où, l'ayant retrouvée et revêtue, ils retournaient dans les flots où personne ne pouvait les suivre.

L'origine du peuple phoque demeure assez obscure. Il est évident que les elficologues des premiers âges ne se sont pas aventurer trop loin sous les eaux, et se sont contentés de puiser aux sources de la mémoire collective elfique ou chez les derniers historiens de l'âge d'Or, eux-mêmes assez ignorants en, ce qui concerne leurs ancêtres et frères de la mer.
S'il semble évident que les Sea Trows soient une branche aquatique de la légendaire famille des Bienheureux des Tertres, l'ascendance des Selkies, Silkies, ou Otariens paraît plus floue.
Certains les voient issus de Fins, jardiniers princiers des parcs sous-marins ; pour d'autres ils seraient les enfants de Morgans voyageurs établis dans les Abysses ; ou encore les enfants des Tritons et des Sirènes.
Barbygère affirme ( sans trop s'avancer ) : "l'Otarien est le fruit merveilleux et rare du pur amour de l'Ondin et de l'Ondine, porté par le roi Dauphin et fécondé par les Esprits des ondes."
Plus prosaïque, la culture populaire pense qu'il s'agirait de la forme prise après leur mort par les marins noyés.
Dans sa très minutieuse et sérieuse étude sur le serpent de mer ( 77 pages, format in-4° ) le Dr Antoon Cornelis Oudemans ( 1893 ) défend la thèse que le grand reptile chimérique des vagues serait une sorte de gros et long phoque : "... sa forme est comparée le plus souvent à celle d'un serpent, mais quelque fois aussi à celle d'un chien, d'un morse, d'un phoque ou d'une otarie. Le museau est allongé et on a signalé quelque fois des vibrisses à son extrémité. Sous la gorge et les côtés du cou on a observé des plis ; la bouche est transversale, large, et les yeux sont très grands, brillants, de couleur noire, mais avec des reflets rouges. Le cou est très long ( 1/5 environ de longueur totale ), plus mince que la tête et bien délimité du corps par un élargissement correspondant aux épaules, qui donne insertion à une paire de nageoires semblable à celles des tortues ou des phoques. Le corps arrondi est plus large en avant qu'en arrière, et se termine par une queue, ronde et pointue, énorme, puisqu'elle égale presque la moitié de la longueur totale de l'animal (...). La peau est décrite comme lisse et brillante, et deux fois seulement on y signale des écailles, son aspect brillant et lisse est dû au fait que les poils sont mouillés et collés au corps. La peau des phoques présente le même aspect lorsque ces animaux sortent de l'eau (...). Lorsque notre animal apparaît à la surface, il souffle bruyamment, et probablement par les narines ; on voit en tout cas le souffle sortir de l’extrémité du museau et non du sommet de la t^te comme chez les cétacés. Son passage à la surface est signalé par un miroir graisseux, et il répand une forte et très mauvaise odeur. Il nage souvent avec la tête hors de l'eau, et la mobilité de toutes les parties de son corps est très grande. Le serpent de mer avance en faisant des ondulations dans le sens vertical, mais il peut s'incurver en fer à cheval dans tous les sens, et alors de gros plis se montrent sur son corps, comme chez les animaux pourvus d'une épaisse couche de lard. Il se tord alternativement, comme une tortue, quand il avance doucement, mais quand il nage rapidement en exécutant ses ondulations verticales, il ramasse les nageoires contre le corps. Pendant qu'il est en mouvement dans l'eau, seule une petite partie du corps est visible et la queue ne se montre pas (...). La caractéristique de la psychologie du grand serpent de mer paraît être la timidité ; il n'est pas d'exemple que ce colosse ait jamais attaqué les témoins de ses ébats, même lorsqu'on lui envoyait des coups de fusil. Son caractère est assez enjoué car il fait souvent des bonds et se livre ainsi à de folles gambades."

On le voit, pour le Dr Oudemans, directeur de la société zoologique et botanique de La Haye, et ce d'après le résultat de deux cent cinquante observations tirées sur le volet, il ne fait aucun doute que le grand serpent soit un phoque géant. Ce n'est pas la première fois au cours des âges que des savants attribuent au phoques, lamantins, otaries, morses l'origine de bien des êtres fantastiques de la mer. En 1554, le naturaliste français Rondelet publia, dans son
Universa Piscium Historia, une illustration représentant le moine de mer "d'après nature" qui aurait échoué après une tempête sur une côte de Norvège. Dans ce même ouvrage, Rondelet faisait allusion à un autre spécimen tout aussi remarquable, dont on aurait envoyé le portrait, depuis Amsterdam, à un médecin allemand. On en parlait comme d'un personnage surgit en Pologne en 1531, qui aurait porté une tenue d'évêque. "Une fois mort, il se révéla phoque."
"Ces moines, évêques, et papes de mer
( Uranoscopus ) qui assurent aux être de l'onde un ministère de culte païen prennent de façon fréquente, pareillement aux Syreines, aux Selkies, aux Nyïxes, aux Colins, aux Faïes et Faitïaux des océans, des physionomies de chiens, de veaux, serpents, licornes ( Unicornis ) de mer et plus volontiers de phoques", écrit le Dc Teronimus Leewenhoeck dans Les Nouvelles Merveilles de Maelduin...

Ce n'est pas la première fois non plus, et ce ne sera pas la dernière, qu'en conclusion de leur recherche, les hommes de science aboutissent à leur insu à des "réalités elficologiques" : car si les phoques se montrent quelquefois en serpent-poisson, en monstre marin, en diable, dame ou homme de mer, c'est que certains d'entre eux appartiennent tout naturellement à l'espèce merveilleuse des Fées phoques : appelés par les marins de Grande-Bretagne Seal people, Sea Trows, Selkies, Haaf-Fish, par les Écossais et Irlandais Roane, et Otarelles, ou Otariens par cexu de Petite Bretagne...

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » jeu. juin 12, 2014 12:16 pm

Les Chevaux Fées
Pendant qu'un nuage de fumée s'abattait pesamment sur les bâtiments sous la forme distincte d'un gigantesque cheval...
( Egar Allan Poe, Metzengerstein )

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Taille :
Celle d'un cheval, d'un âne ou d'un mulet. Les Kelpies des lacs écossais sont très grands. Les Glashans de l'île de Man ressemblent à de jolies poulains ou à des agneaux, les Shopiltees des pîles Shetland et les Tangye des Orkney à de petits poneys chevelus et couvertes d'algues.

Aspect :
La Bête à Caignes, la Briette, la Bête de la Motte, le "Cheva" de Saint George à Guernesey, la Malebeste sont effrayants à cause de leurs yeux rouges, de leur pelage phosphorescents, de leur crinière enflammée, de leurs naseaux soufflant des nuées vertes. Mais avant de révéler leur nature infernale, tous se présentent sous uen forme "une figure aussi splendide que l'est la licorne". Ils peuvent prendre également la forme de bouc pers ( bleu verdâtre ), mouton blanc ou noir, lièvre, taureau, ou petit chien barbet.

Vêtements :
La triste hennequée est revêtue d'un linceul. Certaines sont équipées de housses ou de selles si riches qu'elles attirent les voleurs. La Jument Margot est bridée par la queue.

Nourriture :
Presque tous sont cannibales, surtout le Ech-Ushkya des lochs écossais. Les Chroniques elfiques parlent d'une herbe rouge aquatique qu'ils vont brouter à certaines périodes de l'année.

Habitat :
Des royaumes lacustres et sous-marins. On trouve aussi des Chevaux Fées un peu partout dans les landes, sur les côtes, dans les marais, les eaux froides des lacs et les rivières rapides.

Mœurs, Activités :
Ils ont été autrefois des coursiers des dieux, des Fées, et des héros. "ils n'existaient pas de plus fidèles, ni de plus fougueux destriers pour la chasse et les tournois que le Blanc Étalon."
Les êtres de Féerie, les Lutins, les Farfadets, les empruntent parfois pour voyager ou labourer leurs champs.

Ecoutez, écoutez les histoires des Chevaux Fées des rivières, des landes et des campagnes. On rencontre en Artois qu'il y a bien longtemps, pendant que de jeunes garçons, au lieu d'aller à la messe de minuit, s'amusaient à jouer, un magnifique cheval blanc par sur la place de Vaudricourt ; comme il ne semblait méchant, on s'approcha de lui : il allongea son encolure pour être caressé. Un garçon plus hardi que les autres monta sur sur son dos, l'animal partit à un galop très doux, fit le tour de la place et s'arrêta ; ses compagnons montèrent à leur tour sur son dos, qui s'allongea progressivement et vingt finirent par s'y placer. Quand la messe fut terminée, le cheval, qui caracolait d'une façon vertigineuse, bondit jusque dans une mare sans fond, et tous les garçons furent noyés. Depuis, toutes les nuits de Noël, le cheval infernal se montre, portant ses victimes qui semblent torturées par la souffrance. Lorsqu'il a fait, en galopant sans bruit, le tour du village, il se trouve à minuit à son point de départ et rentre avec sa charge dans le gouffre d'où il était sorti.
En Bretagne ils règnent tous la mer ; surtout la superbe et blanche Ar GAzek Klanv, la jument enragée "qui règle les marées de ses ruades ou petits trots". Derrière elles viennent : Ar Gazek Gwen, la jument blanche ; la houleuse Ar Marc'h Glas, le cheval bleu qui calme les flots ; Ar Gazek C'hlaz, la jument bleue qui mène les poissons ; Ar Marc'h Hep Kavalier, le cheval sans cavalier et Ar Marc'h Hep Cestr, le cheval sans son maître, qui de leurs cavalcades d'écume soulèvent les vagues.
A Guernesey, un coursier s'allonge sous la charge d'une douzaine de gens, puis s'élance à une vitesse prodigieuse par-dessus les haies et les fossés et va les jeter dans un bourbier au milieu de la Grand'Mare...
Dans l'Albret, un cheval rouge à courte queue étire son dos pour recevoir neuf cavaliers, puis il part comme un éclaire ; huit de ses cavaliers sont jetés sur les rochers, le neuvième, qui s'était cramponné à sa crinière, disparaît avec lui dans une fondrière.
Près de Carcassonne, c’est un noir baudet, couvert d'une riche housse qui se change en drap funéraire lorsque des imprudents montent sur son échine élastique. Après une course dans les airs et dans les cimetières où les tombes se soulèvent, laissant passage aux trépassés qui entonnent des chants funèbres, la monture envoie sa charge dans le gouffre du Grand Puits...
Le Beugle sort de l'abîme, sous la forme d'un âne blanc, quand la nuit est noire. Il emporte tous les mauvais sujets qu'il rencontre en les montant sur sa croupe extensible et les précipite dans la Mare Maudite. Le Cheval Gauvin du Jura noie dans le bous les femmes qui se rendent au bal, comme le cheval Malet dans les rivière de Vendée. A Maisnil c'est "Ch'blanc qu'vo" dont la crinière est garnie de grelots...
Le cheval Bayart, destrier solaire engendré par un dragon et une serpente, appartint d'abord au mage Maugis, le Merlin ardennais, avant d'aider les quatre fils d'Aymon à combattre l'irascible et versatile Charlemagne.
Lorsque l'empereur voudra le faire noyer, il brisera la pierre attachée à son cou et, emportant d'un bond l'héroïque quatuor, laissera sur les rochers la marque de ses fers.
Les Chevaux Fées viennent de très loin et du fond des âges... de la race des Pégases et des Licornes. S'ils sont redevenus sauvages et farouches, c'est, dit Barbygère, que les hommes n'ont su ni les apprivoiser ni les dompter. L'épopée de Giolla Deacar chante les exploits de ces "Palefrois Side" venus des vagues, d'Hy-Breasail, de Tirfo Thuinn qui chevauchaient aussi bien sous les flots que dans l'air et tenaient en croupe plus de six guerriers.
Hélas, la plupart aujourd'hui appartiennent à des Esprits malfaisants, à des démons qui les utilisent pour des actes mauvais.
Un cavalier vêtu de rouge, monté sur un beau cheval noir qui faisait jaillir du feu de ses sabots et de ses naseaux, galope sur l'océan : il vient acheter les âmes de ceux qui vont se noyer.
Des chevaux de feu poussent les promeneurs solitaires vers les falaises d'Henry Chiridillès, cavalier sombre qui perds les voyageurs dans les marais. Tout aussi dangereux sont les chevaux irlandais de Longfield, et la Blanq Jument de Mélusine, le destrier du roi Grallon qui se tient là où disparut la ville d'Ys, le Carimaro de Cléry, la "bête à quatre chabouts", les chevaux décapités des Moors, le petit cheval gris de Jean Gris. Plus inoffensifs sont : le cheval de Roland qui se promène sur le pont d'Espagne et la pauvre haridelle de Widecombe. Le Schimmel de la côte de Ditmarsie au sud du Jutland a gardé son mystère et sa grâce féerique.

Ecoutez, écoutez bien, partout ces histoires sont les mêmes... Dans la nuit surgit un cheval pâle dont les sabots sont silencieux : si beau et si docile que le cavalier d'occasion a envie aussitôt de sauter en selle, pour une course effrénée... Si une fois, à minuit, pareille aventure vous arrive, n'oubliez pas, avant de l'enfourcher, de faire le signe de croix et de réciter trois Pater ; alors vous le sentirez sous vos talons se dissoudre en fumée !...

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » jeu. juin 12, 2014 4:16 pm

Le Nekker
Quand sire Halewyn chantait une chanson, tous ceux qui l'entendaient voulaient être près de lui. Elle fut entendue par une fille de roi, qui était beaucoup aimée de ses parents.
Elle alla se placer devant son père :
"Père puis-je aller près d'Halewyn ?
- Oh non, ma fille, non n'y va pas. Ceux qui vont là ne reviennent guère."
Elle alla se placer devant sa mère :
"Mère, puis-je aller près d'Halewyn ?
- Oh non, ma fille, non n'y va pas. Ceux qui vont là ne reviennent pas !"

( De Coussemaker, Chants flamands )

Taille :
Quatre-vingts centimètres.

Aspect :
Petit et gros, Tête énorme et chauve. Visage semblable à celui d'une carpe. Dents vertes. Nageoires transversales. Doigts et orteils palmés. Mais il peut se transformer en homme-poisson, en homme-cheval, en bel adolescent et noble seigneur aux longs cheveux bouclés.

Vêtements :
Bonnet d'écailles, rond. Chemise verte tissée d'herbes marines, serrée à la taille par une ceinture de corail. Il porte souvent une harpe d'or. Lorsque le Nekker prend forme humaine, il se montre dans de somptueux atours où le gris perle et le rouge prédominent.

Habitat :
Il vit dans des palais, au fond des étangs, des lacs, des canaux. En Hollande il est appelé Bullebak. Dans la région d'Alost Slokkeman ou Slokker. On le rencontre aussi dans l'Escaut, en Flandre occidentale, dans la Campine, dans le Hanovre... Mais aussi en Allemagne, Norvège, Suède, Scandinavie, Islande, Angleterre, et sur l'île de Man sous différents noms tel que : Duiker, Watermann, Waterduivel, Waterwolf... Lorsqu'on aperçoit des bulles à la surface de l'eau, c'est qu'un manoir de Nekker est bâti dessus.

Nourriture :
Poissons et sang humain.

Mœurs, Activités :
Il vit cent ans avec la même épouse, voyage beaucoup et surveille ses vastes territoires. Le Nekker joue de la harpe et chante de merveilleuses complaintes qui attirent et charment toute sortes de créatures. Le docteur Faustus le dénonce comme un Fé déchu.

Près de Parchim, dans le Mecklembourg, s'étendait un lac aux eaux sombres couronnées d'aulnes et de hauts hêtres. C'est là que tout au fond, s'enlisait la ville de Ninove-la-Noyée. Jamais aucun pêcheur n'osait s'aventurer en ces lieux fantomatiques. Une fois pourtant, quelques acharnés y lancèrent leurs filets en plein milieu de la nuit. Lorsqu'ils les retirèrent, ils étaient si lourds qu'on pouvait à peine les porter. Par-dessus la masse de poissons scintillants se débattait un brochet géant et borgne pesant plus de cent livres. Tandis que les pêcheurs se mettaient aux rames pour rentrer, la surface de l'étang commença à s'agiter et la voix d'une jeune fille s'éleva de dessus le flot. D'après les expressions qu'elle employait, elle semblait rentrer un troupeau.
"Tu les a tous comptés ? interrogea alors une grave voix d'homme.
- J'en ai quatre-vingt-dix-neuf, répondit la fille de l'onde. Le porc borgne s'est encore une fois sauvé !"
Et derechef, elle l'appela d'un curieux nom aux consonances barbares. Alors, soudainement, le brocher géant sauta de la barque dans l'eau en criant "Me voici !"
A nouveau le silence de mort retomba sur le lac... C'était le Nekker, ou Nikker, ou Necker, et la Nix sa compagne qui rassemblaient leurs troupeaux. Nekker - qui signifie noir - est un génie démon des eaux. ( Les Strömkarl et les Fossegrim se tiennent sous les chutes d'eau. ) Parfois il passe la nuit dans les dunes à l’affût de tous ceux qui viennent récupérer le bois d'épave que la mer a rejeté sur le sable. Il se cacha aussi sous les ponts de l'Escaut ou se tasse dans un riche coffret placé sur le bord d'un ruisseau, et le curieux qui le libère se voit entraîné au fond de l'eau. Il happe les nageur et leur suce le sang, emprisonne les âmes des noyés dans une cruche dont l'ouverture est dirigée vers le bas. Ses prisonniers, que l'on entend pleurer et se lamenter la veille des nuits de tempête, doivent filer, jusqu'à la fin des temps, des écheveaux de lin et d'algues emmêlées.
Les Nekkers sont riches. Ils possèdent des fermes sous-marines de grandes cultures, des troupeaux que des esclaves entretiennent pour eux. Les Ondines qui travaillent aux cuisines et lavent le linge vont faire sécher la lessive sur les margelles de puits, une fois la nuit venue, et c'est malheur que de les y rencontrer, car les cris qu'elle poussent alors attirent les Nekkers qui surgissent de partout.

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » jeu. juin 12, 2014 8:16 pm

Lange-Wapper
Le fleuve et le ruisseau exécutent sa volonté.
( W.B Yeats )

Taille :
Très variable, de cinquante centimètres à deux mètres.

Aspect :
Il se métamorphose sans cesse : en chien pataud, en bébé, en jeune fille, en confiseur, en monstre. Il est laid, le corps recouvert d'écailles, un visage de poisson, des yeux globuleux, de longues jambes palmées qui lui permettent de marcher sur l'eau.

Vêtements :
Il aime se travestir en demoiselle et parer son affreux corps rugueux de rubans et dentelles.

Habitat :
Les canaux d'Anvers. Il y a des années, il se tenait habituellement non loin de la Wappersrui et surtout sur Wappersburg.

Nourriture :
Chair fraîche, et anguilles.

Mœurs, Activités :
Immortel semble-t-il. Il hait les humains, sauf les enfants avec qui il joue gentiment, se faisant passer pour l'un d'entre eux. Non seulement il ne leur fait aucun mal, mais il leur distribue cadeaux et friandises. Pêche et chasse, tout en évitant les chapelles qu'il redoute.

Les démons de toute sortes : Ondins, Spectres, Bokkenrijders, Kleudes, Berrwulven et autres épouvantables Esprits chassés leurs régions s'étaient réfugiés, au XVIIe siècle, dans un bois au sud d'Anvers, semant la terreur dans tous les voisinages. Ils dévoraient les troupeaux, pillaient les fermes, enlevaient les filles et tordaient le cou à tout ce qui se présentait. Les habitants, qui n'osaient plus sortir de chez eux, décidèrent d'organiser une procession dans le but d'exorciser la bande infernale. Le doyen du chapitre de Notre-Dame, armé de sa croix d'or, flanqué de moines et capucins tous priant, maniant vaillamment l'encensoir, lança ses chapelets de conjurations aux quatre points cardinaux du bosquet maudit. De l'aube au crépuscule, il ne cessa d'appeler, adjurer, expulser chacune des entités. Chaque commandement et aspersion d'eau bénie soulevait des concerts de rugissements, de claquements d'ailes et d'énormes mâchoires.
Petit à petit, un par un, tous se désagrégèrent, s'évanouirent en fumée et tourbillons ; tous, sauf un : Lange-Wapper, qui résista aux plus foudroyantes estocades, réfugié sous une énorme pierre.
Il y demeura recroquevillé jusqu'au départ des exorcistes, puis, gagnant la plus proche rivière, s’enfonça sous le flot... et remonta le courant vers une cachette plus sûre dans les canaux d'Anvers.
Lange-Wapper demeure, vit et dort dans l'eau. Il rôde le long des fleuves, des ruisseaux, des canaux, hante les égouts mais aborde les berges et les quais au soir lorsque la faim l'y pousse. Il fréquente les rues, les béguinages, les banlieues anversoises à la recherche d'une proie à avaler. Là, il se change en bébé et attire par ses pleurs déchirants une bonne dame tout attendrie qui se penche pour le consoler... et de deux coups de dents se fait décapiter ! Ici, il se dédouble aux deux extrémités d'une ruelle et rend fou un malheureux promeneur avant de le gober. Là encore, il se transforme en religieuse encoiffée d'une tête de pieuvre et va écraser sa face d'épouvante contre la vitrine d'une boutique, faisant mourir de terreur clients et commerçants... Car il raffole des farces macabres !

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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » jeu. juin 12, 2014 8:21 pm

a tiens les précédents je connaissais, mais pas ce dernier!
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » jeu. juin 12, 2014 8:23 pm

Il y a une statue de lui à Anvers :
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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » ven. juin 13, 2014 12:57 pm

Les Nâga
Là où va le serpent, un dieu le précède.
( K. Wentz )

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Taille :
Celle du cobra, ou celle d'un être humain de belles proportions.

Aspect :
Les Nâga se présentent comme des dragons, des hydres d'eau, des serpents à visage humain. En sanskrit leur nom désigne le cobra royal, ce qui conduit parfois à traduire par serpent ; mais le vrai mot pour serpent est sorpa, non nâga.
L'onde originelle est habitée par un Nâga gigantesque sur lequel repose Vishnu. Le régent des mers - Poséidon indien - est qualifié de roi des Nâga : Nâga-râja, et l'iconographie le représente sur un trône abrité d'un dais de corolles de cobras fantastiques à têtes multiples.
La physionomie du Nâga est noble et pure. La Nâgi est gracieuse et habile danseuse.

Vêtements :
Soyeux et chamarrés, parsemés de bijoux qui évoquent la parure des dragons fabuleux...

Nourriture :
Mets délicats et parfumés. Poissons, viandes, fruits, laits et fleurs... et tous els aliments qu'on vient leur déposer, selon le rite de vénération de la pûjâ.

Habitat :
Au fond des eaux ces génies édifient de splendides demeures d'où ils observent le monde des humains. D'extraordinaires trésors où rutilent l'or et les pierres y sont conservés sous la garde des dragons : Bhogavati est le nom de ce fabuleux royaume.
C'est dans le Deccan surtout, en pays dravidien notamment, que leur culte est le plus répandu. On les rencontre aussi en mer.

Mœurs :
Les Nâga obéissent aux lois très strictes d'un roi, lui-même du souverain Nâga-râja. Ils sont fidèles à leurs jolies épouses, ce qui n'exclut pas des aventures avec des mortels.

Activités :
Les Nâga offrent des dons magiques à qui les vénèrent, exaucent leurs prières et guérissent les maux, sauf ceux causés par les morsures venimeuses de leurs frères serpents.

En ce temps là le roi Seneka qui régnait à Bénarès fit alliance avec le roi des Nâga. Celui-ci, certain jour, était venu de son palais aquatique quêter son dû sur la terre. Des enfants l’aperçurent et le frappèrent à coups de pierres, disant : "c'est un serpent !" et comme le roi, qui passait par là pour se rendre en ses jardins, demandait ce qui se passait, on lui répondit : "Sire, ce sont des enfants qui frappent un serpent". Mais le roi interdit la chose et fit chasser les enfants.
Ainsi sauvé d'une mort certaine, le roi des Nâga se retourna à son palais. Il y choisit une multitude de pierres précieuses et dans la nuit se glissa dans la chambre de Seneka pour lui offrir les joyaux, expliquant : "Tu m'a sauvé la vie, ô roi !"
Ayant fait alliance avec le roi, il venait souvent lui rendre visite. Et pour la sauvegarde de son ami il installa chez lui un jeune Nâgi, et lui enseigna un mantra, raconte le
Khâraputta-Jâtaka. Les Nâga sont les plus célèbres et les plus nombreux génies-serpents de l'Inde. Ils sont généreux avec ceux qui les honorent. Comme les Gandharva et les Asparâ, les Nâga et les femelles Nâgi ou Nâgîni peuvent épouser des mortels... Ainsi le rapporte la grande épopée hindoue du Mahâbhârata content en plus de cinq mille versets la lutte mythique des deux clans Kaurava et Pândava. Un jour, le héro Arjuna au bord du Gange et entre dans l'eau pour faire ses ablutions rituelles. Les ayant achevés, il se préparait à sortir de la rivière afin de célébrer l'agnihotra du matin lorsqu'il fut saisi, ce héro aux bras puissants et entraîné au fond des eaux par la fille du roi des Nâga, la belle Ulupî, que tourmentait le dieu de l'amour.
Et le fils de Pându, l'interlocuteur de Krishna, entra dans un palais merveilleux, demeure de Kaurava, le roi des Nâga. S'adressant en souriant à Ulupî, Arjuna lui demanda : "Gente dame, quel acte exécrable avez-vous commis là ! A qui donc appartient ce lieu splendide et de qui êtes-vous la fille ?
- Prince, répondit-elle, je suis la fille du fameux Kaurava et me nomme Ulupî. Tigre parmi les hommes, lorsque tu entra dans l'eau pour faire tes ablutions, le dieu de l'amour ravit mon esprit ! Etre irréprochable, sache que je ne suis point mariée ; tourmentée de désir pour toi, comment subsisterais-je. Accorde-moi la grâce de m'épouser aujourd'hui même.
- C'est que, hésitait Arjuna, sur l'ordre du roi Yudhisthira j'ai fait veau de chasteté pour douze années ! je ne puis donc, ô charmante, agir comme je le voudrais. Toutefois je te promet de te satisfaire et je n'ai dit mensonges de ma vie ! Si donc, ô Nâgîni, tu me dis comment je puis me plaire sans être aucunement coupable de mensonge et sans rompre mon vœu, j'obéirai."
Ayant entendu ces paroles, la Nâgi fit en sorte qu'Arjuna combla tous ses désirs, par vertu. Et la nuit durant, il demeura dans le palais des Nâga, ne se levant qu'au matin quand le soleil se leva.
Accompagné d'Ulupî, il retourna au bord du Gange, là où le fleuve, sortant des montagnes, entre dans la région des plaines, et la Nagî, le quittant, s'en retourna au palis de Kaurava, non sans lui avoir accordé une faveur par laquelle Arjuna devint invisible dans les eaux.

L'épopée ne dit pas comment Arjuna combla toute une nuit la belle Ulupî, tout en restant chaste. Mais les pouvoirs des Nâga sont illimités... !

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » ven. juin 13, 2014 3:32 pm

La Groac'h
Et l'ogresse de l'eau, l'avez-vous rencontrée ?
( Bryce )

Image

Taille :
Diverses, sauf la Vougeote qui reste petite fille.

Aspect :
Adoptent les plus flatteuses apparences ou se transforment en poisson, en cygne, en barque, en tout article de pêche, flambant neufs, même en boîte "d'appâts Dudule le poisson pullule"... Mais de retour au foyer, elles réendossent avec soulagement le confortable peignoir écailleux et les charentaises tétardiennes. Laides à hurler : grosses larves myopes, à la peau flasque et transparente laissant voir un estomac distendu et geignard. Dents vertes sauf Grand'Mè "aux rouges dès".

Vêtements :
Mante d'écailles, mais adoptent le plus souvent le costume traditionnel local. Les Gorgates et Farates portent de grandes capuches ainsi que la bête Havette.

Nourriture :
Lorsqu'elles sont privés de marmots et jouvenceaux, les Groac'h s'en prennent à la faune environnante : rats, poules d'eau, canards, le petit bétail qui vient s'abreuver. Dédaignent les poissons ; grignotent cependant en amuse-gueule hydres, planaires, oligochètes, sangsues, décapodes, plécoptères, diptères et quelques amphibiens qu'elles arrosent d'un thé de séneçon jacobée.

Habitat :
Les palais de cristal ne seraient que mirages provoqués grâce à la magie. La vraie demeure des Groac'h est une grande coquille ovoïde modelée dans un mortier de vase et de bave solidifiée.

Mœurs :
Infâmes : de vieux textes rapportent que "La Meuve en agonie d'amour n'épargne ni vieillard, ni cerf, ni sanglier".

Activités :
Paresseuses. En dehors de la chasse, ne font rien de leurs seize doigts.

Autrefois, pour retrouver le corps du beau gars emmené par la Groac'h ou la sorcière d'eau, "la Macralle d'Aïve", on plantait un cierge dans un pain qu'on allait poser sur l'étang ou la rivière ; après quelques hésitations, le "chercheur d'âmes" conduisait directement au noyé exsangue : car plus délicates que les mâles, les Groac'h n'aspiraient que le sang des adultes et ne dévoraient que les tendres enfants. Ce funèbre cérémonial se renouvelait souvent, surtout à l'époque des fenaisons et moissons, quand les saisonniers assoiffés allaient se rafraîchir aux sources et fontaines. Plus malignes que les Sénandins, lorsque le gibier se faisait méfiant, elles abordaient les rives humides sous l'apparence de Nymphes gracieuses ou de demoiselles, et les benêts se laissaient charmer, tout fasciné par le spectacle des appas effrontés au lieu de deviner leur origine dans l'éclat trop vert et froid des yeux ! Les Groac'h étaient devenues expertes dans l'art de la galante tromperie.
On raconte que l'une d'elle habitait le lac de la plus grande île des Glénans, en Bretagne. Comme elle passait pour être aussi riche que tous les rois réunis, beaucoup de jeunes gens étaient partis pour s'emparer des trésors ; mais aucun n'était revenu. Un jour, un garçon aborde l'île et, arrivé au bord de l'étang, entre dans un canot en forme de cygne qui s'anime tout à coup, l'entraîne loin du rivage et, plongeant avec lui sous l'eau, le dépose près d'un palais enchanté. Il y rencontre la dame qui lui découvre ses richesses, en lui disant que toutes les caisses d'or qu'engloutissent les naufrages sont apportées là par un courant magique, qu'elle a pouvoir de commander. La Groac'h lui propose de l'épouser, et, séduit, il accepte. Une fois qu'elle s'est absentée pour aller pêcher, le marié se met à couper des poissons à l'aide de son couteau trempé dans la fontaine de Saint-Corentin, l'exorciste des mauvais enchantements. Aussitôt les poissons redeviennent des petits hommes qui lui apprennent qu'ils ont été ainsi métamorphosés le lendemain de leurs noces avec la Groac'h. Effrayé, le garçon veut s'échapper, mais avertie par un "hydeux instinct", l'ogresse, qui a repris son véritable aspect, l'enferme dans un filet et le change en carpe qu'elle va jeter dans son vivier.
Au nord de l'Angleterre, tout au long de la Tees vivait Peg Powler, à la mâchoire pendante , aux gencives saignantes, aux dents et cheveux verts ; elle attirait les garçonnets et les fillettes coquettes en laissant sur les pierres des jouets, des rubans ou des dentelles. Une fois son festin terminé, elle déposait les os soigneusement nettoyés sur la rive. Jenny Dents Vertes assurait son garde-manger dans les eaux du Yorkshire. La Mère Engueule fonçait tous crocs dehors sur les petits nageurs s'ébattant dans les biefs des moulins ; elle secouait sa prise comme un chien pour lui briser les reins et plongeait avaler son repas pour revenir presque aussi vite à la charge. Son insatiable appétit lui avait valu le sobriquet de Mémé Goulue. Pour lui "caler le boyau" et l'amadouer, les enfants, espérant connaître des baignades tranquilles, venaient en vain, aux premiers beaux jours, lui vider l'auge des cochons.
Les Ogresses Vertes qui peuplaient les rives de nombreux étangs couvrant le territoire des Coges ( Franche-Comté ), fascinaient les hommes par leurs agaceries et les précipitaient ensuite au fond.
Les Dames bourbonnaises conviaient à la danse la jeunesse rentrant du bal, et quand elles les avaient séduits, elles les entraînaient sous les eaux... Gwaernardel comptait sur sa beauté, Hérodiade sur sa force, la Vougeote sur sa grâce juvénile, la Frisonne sur ses nattes blondes, la Beuffenie sur les "buffées" : jets de vapeur soporifiques qu'elle soufflait de ses larges naseaux au ras de l'eau. La Souillarde happait les chevilles des nénuphardiers, venus en cuissarde cueillir des calices blancs pour décorer les tables de chics restaurants parisiens. La Frisonne Geindresse imitait les cris des marmots tombés à l'eau et frappait le flot de ses mains palmées de façon désespérée pour hâter l'arrivée du sauveteur. Marie-Groëtte se dissimulait près des fleurs les plus belles. Madeleine aux grands cheveux s'accroupissait dans les fossés à purin, les mares nauséeuses. La Gofe remontait le long des tourbillons. Les Tifenotes de Moselle n'hésitaient pas à tortiller de jolis derrières roses et Saurimonde la Fassilière connaissait un imprévisible répertoire de propositions salaces, à faire tomber raides le pêcheur le plus averti tout droit dans son bec. Marie-Griffon tricotait ses propres filets. La Donseillas jouait sur son exotisme. L'Echouise se transformait en anguille, se laissait ferrer et pêchait à l'envers, emmenant son trophée cramponné à l'autre bout de la ligne. Les Mirtes chantaient si bien sous l'écume des torrents que les adolescents, bouleversés, sautaient les retrouver. Les Sept Dames faisaient choisir l'une d'elles puis toutes se servaient. Les Dames Noires endeuillées de la tête aux palmes, entre deux soupirs, promettaient au consoleur un tempérament de veuve joyeuse. La Malfaisante du Bas-Poitou nouait sa chevelure aux nioles ( barques ) pour les attirer au fond chargées de leur contenu : "le lac flottant l'a enlevé parmi ses eaux, parmi ses ondes."

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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » ven. juin 13, 2014 3:34 pm

diantre, elle a une sale gueule ta Groac'h :mdr: :mdr: :mdr:
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
#TeamChafouin

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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » ven. juin 13, 2014 3:38 pm

SauronGorthaur a écrit :diantre, elle a une sale gueule ta Groac'h :mdr: :mdr: :mdr:

Et encore, là il n'y a que la tête, moi dans mon livre je l'ai en entier c’est pas beau à voir, mais peut-être la préfère tu ainsi :
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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » ven. juin 13, 2014 3:51 pm

c'est déjà plus attractif :mdr: :mdr:
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
#TeamChafouin

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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » sam. juin 14, 2014 2:38 pm

La Vila
Aucune créature surnaturelle, aucun elfe ne peut être pleinement satisfait.
( Lord Dunsany )

Taille :
Infinie.

Aspect :
Changeant. Les Vily prennent l'image de la Naïade que le promeneur espère voir naître de la beauté des eaux et des herbes flottantes, Fées à la surface, Hydres dans les abîmes. Le tourbillon vertigineux de leurs cheveux ressemble au couloir luminescent de la noyade.
Mais elles seront toujours de mauvaises Vily et leur joliesse enfantine ne parvient pas à faire oublier un air de sournoise cruauté, ni la teinte cadavérique de leur peau.

Vêtements :
Nues, voilées de fleurs, d'herbes et de feuillages.

Habitat :
L'Europe de l'Est. On en a vu plus haut. "Tant que le soleil n'est pas encore entré sur le chemin de l'été", elles demeurent endormies dans les vases et les algues, les trous d'eau froide où se recroquevillent les âmes des noyés en hiver. Au fur et à mesure que la température se réchauffe, elles remontent à la surface et se tiennent sous les herbes fleuries, auprès des gouffres, des vasières. Quelques-unes se cachent dans les torrents.

Nourriture :
Le plat froid d'une vengeance à jamais inassouvie.

Mœurs :
Bien qu'on les rencontre aujourd'hui occupées à de champêtres activités, il est prudent de se rappeler que les Vily sont toujours les ouvrières exécutrices d'une implacable Némésis aquatique dont l'existence même consiste à punir celui qui l'a oubliée.
Les Vily sont immortelles, elles se régénèrent chaque année en plongeant au cœur des sources natives.

Activités :
Elles protègent les poissons et toute la faune amnicole, poussent des cris horribles qui font fuir les pêcheurs. Elles déchirent leurs gilets, les nasses et pêchettes à anguilles. Lorsqu'elles s'ébattent dans les biefs, elles montent sur les roues à aube des moulins, en détériorent les jantilles, brisent les meules et effondrent les digues.
Les Vily envoient des pluies torrentielles sur les cultures et des sorts mortels à toutes les jolies filles venant s'asseoir pour coudre et filer sur les berges, à moins qu'elles ne laissent éclater leur jalousie en les tirant sous l'eau.
Elles aident cependant les mariniers, les habitants des bords de rivière à retrouver les corps des noyés. Elles passent la fièvre des marais, guérissent les ulcères et peuvent rendre la vie aux morts. Toutes les Vily reculent devant les feuilles d'absinthe.

Il était une fois une fort jolie jeune fille aux longs cheveux blonds. D'autres versions rapportent qu'ils étaient noirs. Quand elle traversait le village, les hommes et les femmes arrêtaient leur travail, le marteau du forgeron laissait en l'air sa note claire, l'aiguille de la brodeuse piquait sont point dans le vide et tous la regardaient passer. Il n'y avait pas aux bois, aux champs, une seule bête qui ne cessait aussitôt de bondir ou brouter pour mieux la contempler, et l'oiseau oubliait son chant pour celui de la belle.
Les fleurs enviaient son parfum. La rivière bénissait son reflet. C'est au bord de l'eau qu'elle se plaisait le mieux, non pas pour y faire la coquette et se mirer à longueur de journée, mais elle trouvait dans sa compagnie l'écoute d'une sœur.
On la disait fille de Fée ; son père, sur le lit de mort, avait gardé le secret. Tous l'aimaient. Le fils du seigneur l'aima plus encore. Il était hardi cavalier et si beau conteur qu'elle s'en laissa conter. Il comptait l'épouser, lui conta-t-il, dès la fin de l'été, quand il rentrerait de ce pays lointain où son père l'envoyait. Mais il ne revint pas car il était volage et s'était pris là-bas d'une princesse sauvage.
Chaque matin la pauvre fiancée allait attendre l'amant tardif auprès de la rivière et chaque soir rentrait seul, laissant dans l'onde un peu plus de larmes de son cœur, un peu plus des soupirs de son souffle et d'éclat de son reflet. Plus les jours passaient, plus elle maigrissait, pâlissait, s'étiolait, plus son image dans l'eau absorbait sa lumière. C'était comme si son reflet était devenu plus vivant que ce corps s'éloignant sur la berge.
Une nuit elle ne rentra pas. On la chercha longtemps sans retrouver d'autre signe q'un voile blanc flottant sur l'eau funèbre.
On dit : "Par chagrin, elle s'est noyée."
On dit : "C'est sa mère, la Fée du lac, qui l'a emportée près d'elle pour la consoler."
Au bout d'un temps on ne pensa plus à elle car le prince était de retour, ramenant avec lui sa future épousée. Et tout le pays s'agitait de mille préparatifs.
Le château tendu de ses atours bourdonne des cuisines aux tourelles. Les marmitons, les valets, les laquetons, surveillent les sauces, les lèchefrites, dressent les tables, les lavandières lessivent, les souillons savonnent, les repasseuses étalent les nappes blanches, les chambellans passent leurs gans immaculés sur les meubles vernis.
Il y aura même, paraît-il, un tournoi.
Les fiancés sont à la fête.
La veille des noces, pourtant, le prince en promenade sur le créneau entend sourdre de loin une voix. Un chant semblable à une plainte d'enfance venue d'encore plus loin, comme le souvenir d'une faune enfouie qu'un jouet retrouvé remonte à l'étourdie. Amené par des effluves de vase et de brouailles amères, un parfum féminin s'insinue dans les airs, attaché aux voiles d'une forme glissante.
Et dans l'eau du hanap qu'il approche de ses lèvres, un visage apparaît. Un visage qui le mendie encore sur le tain d'un miroir et dans chacun des verres et flacons alignés sur les tables, et le poursuit au cœur de toutes les fleurs qui parsèment sa fuite.
Un regard de reproche et une voix qui l'appelle.
Les bras de la princesse ne peuvent le retenir, il se sent pareil à une vague que le courant attire et conduit vers les berges où les fleurs habitées toujours plus loin reculent, où le sol se dérobe et l'enveloppe de cheveux et de caresses froides.
On a beau s'épuiser à crier qu'il revienne, il n'entend plus que le bruissement d'un rêve parvenir jusqu'à lui. Et ne voit qu'un visage flottant sur le lac baigné des flambeaux de la fête, un corps pâle qui se lève en écartant les flots, debout en haut des marches de l'envers du château, et l'invite à y célébrer leurs éternelles noces.
Sa couronne n'est plus qu'un petit cercle d'eau à la surface de l'eau...
Ainsi est née la première Vila. Elle ne nage pas sous le ciel limpide d'une eau purificatrice mais au fond des limbes aquatiques que le sentiment d'inachevé et les rancœurs ont viciés. Son âme en s'y fondant a corrompu les ondes. Rien dans la transparence du lac ni la fraîcheur des rives n'éveille la méfiance. C'est l'étoile de l'épeire dans sa rosace de givre. Tout est clarté, charme et volupté, mais dans le verre baudelairien croît la fleur du mal. Car chaque homme attiré par les rets rayonnant porte en lui l'ombre du fiancé parjure. Il ne sait pas que la danseuse ophélienne devinée sur ce lit de glaïeuls est une sorcière tapie au centre de l'eau douce.
Telle une Hydre, la Vila d'une promesse l'entraîne vers ces demeures et les noces trahies une fois encore se consomment ; les chairs se déchirent, les ornements blanchissent, les substances se digèrent et l'agglomérat végétatif des larves s'en retourne à son deuil.
Les feuilles de novembre couvrent la rivière, l'étang engivre ses secrets. Tout en bas, dans les alvéoles sombres des eaux froides, la Vila se limaçonne aux ombres organiques. Elle ne bougera plus avant le retour du printemps, personne ne viendra se noyer dans son fantôme liquide.
Le réchauffement des eaux ne la réveillera qu'aux alentours d'avril, quand les giboulées crécelleront leurs toupies à la fête des grenouilles. Il faudra un mois aux aînés pour léguer aux nouvelles nées, aux dernières apparues, l'héritage à la fois féerique et vampirique des Vily. A la semaine dite de la Vila, les sœurs devront se séparer : les unes resteront sous les ondes à choisir leur affût, les autres gagneront la forêt, y devenant chasseresses.
Modifié en dernier par Náin le sam. juin 14, 2014 3:04 pm, modifié 1 fois.

SauronGorthaur
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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » sam. juin 14, 2014 2:45 pm

connue celle la :super:
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
#TeamChafouin

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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » sam. juin 14, 2014 3:04 pm

C'est l'une de mes préférées, et Dubois lui rends bien hommage à travers cette superbe histoire servie par une jolie écriture

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » dim. juin 15, 2014 9:00 pm

Fenettes, Gwagged Annwn et les Amoureuses de l'Onde
Lait trovait baignant une Fée
De ces dras tout desnuée
( Li Romans de Dolopathos )


Image

Taille :
Très élancée.

Aspect :
Beauté surnaturelle. Légères et souples. Grands yeux verts. Visage opalin à l'ovale le plus pur. Bouche aux lèvres pâles, d'un dessin exquis. Très longs cheveux bruns ou blonds, argentés aux pleines lunes. Corps aux courbes parfaites, légèrement luminescent. Peau excessivement douce.

Vêtements :
"Robe blanche d'un tissu si fin et si soyeux qu'elle paraît irréelle, tissé à l'aide de fils issus d'un autre monde" ( Davenson ). Ne portent jamais de bijoux ; ceux que leurs offrent les humains ternissent à leur contact.

Nourriture :
Font un effort pour ingurgiter la nourriture des hommes. Ne se sustentent de leur royaume que de rêves d'amour et d'eau fraîche. Elles sont pourtant immortelles et donnent à leurs époux de passage de très beaux enfants qu'elles gavent de leur propre lait, abondant et savoureux.

Habitat :
Palais de cristal dans les lacs profonds, ceux du Pays de Galles pour Gwagged Annwn.

Mœurs :
Passionnées, fières et hautaines, entières dans leurs amours particulièrement contrariées. L’exigence des conditions stipulées lors du contrat de mariage les rend quasiment inaccessibles, entre autres exemples : leurs maris ne doivent jamais les toucher avec du fer ou les heurter, même d'une légère pichenette, ni siffler la nuit en leur compagnie, ni les étreindre trop fort, ni fumer, ni les appeler par leur nom, ni jurer, ni les exposer au soleil, ni les obliger à compter au delà de cinq, ni bâiller d'ennui, ni retourner voir leurs parents, ni parler d'autre chose que d'amour. Elles sont extrêmement riches et sont malgré tout de bons partis pour les fermiers sans le sou.

Activités :
Connaissent tous les secrets de l'eau. Les nuits de pleine lune, elles viennent sur les prairies couvertes de brouillard et de rosée une minute avant minuit et dansent "légèrement" jusqu'au premier chant du coq. On peut alors contempler leur chevelure lunaire tournoyer dans les nappes moelleuses des brumes argentées.
Leanan-Side l'Irlandaise leur ressemble beaucoup bien qu'elle aille chercher ses amants jusque dans les villages.
Les Donzelles, les Demoisellettes de Donzère, en Provence, pétrifient les bateliers qui les repoussent.

"Un coup de foudre fait naître la source, un chagrin d'amour l'inonde" dit-on, ainsi trop d'amour finit par en noyer le cours...
On les appelle Gwagged Annwn, Gwragedd Annwfr, Vierges d'eau, Fenettes, Hade, Mümelche, Dames des près mouillés, Seefraülein, Demoiselles d'eau, Claires Pucelles, Jeannottes, Water Elven, Urgèles... Bien qu'elles ne soient pas méchantes, leur beauté ne portes pas bonheur. Mi-Fée, mi-Naïade, mi-Nymphe, leur sang elfique les tourmente vers des "passions d'Age d'Or" auprès de héros qui n'existent plus.

Si elles se jettent dans les bars du premier homme venu, ce n'est pas comme la Groac'h pour le dévorer, mais dans l'espoir de connaître enfin le Grand Amour des récits légendaires entretenus par la mémoire et le bruissement des vieilles sources. Hélas, leur "différence", leur soif d'absolu, de fidélité excaliburienne et tous leurs interdits font fuir les humains. Malgré les efforts de courageux et patients fiancés à tenter de se hisser au rang des Paladins, elles restent - à de rares exceptions - vierges, froides, stériles, condamnées à recommencer inlassablement leur utopique quête amoureuse. Quelques-unes sont devenues folles !...
Celles-ci chantent et soupirent... C'est d'abord un chant triste, puis un gémissement plus accentué qui s'achève en voix étranges et lugubres : c'est la voix des Fenettes des îles. Tantôt on les entend pleurer avec la brise dans les rameaux des saules, tantôt elles crient avec le sifflement des vents d'orage. Lorsque leurs clameurs s'approchent, le pêcheur se hâte de remiser sa gaule, le faucheur fait taire le bruit de sa faux, le promeneur s'éloigne, et chacun d'eux a bien soin de ne pas tourner la tête, de crainte de voir ces "Fées sauvages" aux formes sveltes, aux traits fins, au corps souple, aux yeux verts et à la longue chevelure les poursuivre : car celui qui aurait vu venir à lui la Vierge de l'onde serait sûre de mourir dans l'année.

En Berry vivait une Fée dans la fontaine de Chancela. Elle en sortait pour aller se promener dans le pré à la Dame et le champ de la Demoiselle : "A la nuitée on voit s'élever au-dessus de la source une blanche figure de femme qui se perd dans le temps." Cette Fée était d'une incomparable beauté. Un seigneur du voisinage qui en était tombé éperdument amoureux parvint plusieurs fois à l'enlever ; mais à peine l'avait-il placée sur son cheval qu'elle lui fondait entre les bras, et lui laissait une impression de froid et si profonde et si persistante que toute flamme amoureuse s'éteignait à l'instant dans son cœur, et qu'il en avait pour plus d'une année avant de songer à un nouvel enlèvement...
Oh, pourquoi serrait-il si fort, cet homme ! Ne savait-il pas que le rêve s'échappe sitôt qu'on l'emprisonne... et qu'il faut du cœur et de la tendresse pour réchauffer l'onde. S'il avait lu plus de contes, peut-être en eût-il été autrement ! Pauvres humains qui toujours faillissent et pauvres Fenettes égarées dans l'incommunicabilité des eaux féeriques !
Celui qui avait le malheur de se récrier sur la trop grande fraîcheur de l'eau de la fontaine Chancela et de sa Dame ulcérée perdait la parole, et était condamné à aboyer tout le restant de ses jours.

Dans la vallée d'Azun dans les Pyrénées, une Hade était condamnée à demeurer au fond d'un lac, jusqu'à ce qu'un jeune homme, ayant mangé quelque chose sans cesser d'être à jeûn, fût venu l'épouser. Un adolescent qui se promenait dans le voisinage prit un grain de blé et le rompit avec ses dents pour voir si il était mûr ; ayant ainsi résolu la première épreuve, il épousa la belle. Il en eut des enfants, mais comme il l'avait appelée Hade ou Dame de d'eau, elle retomba sous les charmes ; parce qu'il ne faut jamais appeler un Esprit par son nom...
Oh, pourquoi les grands-mères, les grands-pères ne transmettent-ils plus ces renseignements essentiels à leurs petits-enfants !...

Une fois un jeune homme séduisit une Jeannotte de Loire. Elle se consentit à l'épouser "à condition, dit-elle, que tu ne t'inquiète jamais de savoir si je mange ou si je ne mange pas, si je bois ou si je ne bois pas, car je ne dois pas te laisser ignorer que je ne suis pas une femme comme les autres." Ils vécurent en bonne harmonie pendant vingt ans et ils eurent six enfants : trois filles, deux garçons et un intermédiaire. La Dame se tenait à table avec sa famille, mais elle mangeait ni ne buvait ; seulement, une fois le repas terminé, elle avait soin de ramasser les restes et de les emporter dans sa chambre. Le mari eut un jour la faiblesse d'aller regarder, par le trou de la serrure, ce que faisait sa compagne. Il vit qu'elle avait retiré son vêtement et qu'elle était en train d'introduire les aliments sans les mastiquer dans une ouverture qu'elle avait dans le dos. Sa curiosité n'en fut pas moins connue car la Fée sortit précipitamment en criant : "Misérable ! tu as fait notre malheur à tous deux. Regarde ce squelette que tu vois par ce trou, et bien c'est celui de nos amours mortes !"
Certes nos petits gars se parjurent, certes ils sont quelque peu lourdauds, mais malgré tout ces Vierges d'eau ne seraient-elles pas un tantinet contrariantes ?

Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » lun. juin 16, 2014 2:25 pm

Les Dames Cygnes
Tout se compose autour de cette eau qui pense.
( Paul Claudel )

Image

Taille :
Moyenne et gracieuse.

Aspect :
Celui du plus altier des blancs cygnes. Ceux qui les ont vu sous leur apparence féerique les ont décrits d'une beauté divine : la chevelure phalénique trempée de nuit ou de soleil ; la peau aussi blanche et parfumée que le lys, le pubis semblable à la petite floraison givrée de Noël. Leurs yeux immenses sont remplis du remous du ciel.

Vêtements :
De plumes immaculées. Souvent elles portent des chaînes d'argent ou d'or rouge, des colliers, ou des couronnes.

Habitat :
Le premier couple de cygnes vit dans la fontaine de Mimir, sous une des racines d'Yggdrasil. Elles habitent un palais retenu dans les nuages par quatre chaînes d'or, ou les îles Bienheureuses, là où l'on place le Sid.
On a vu les êtres cygnes un peu partout, étirant, battant des ailes au creux des fjords, sur le Rhin, le Danube, entre les labyrinthes côtiers de Lettermore, Glashancally, Cashla Bay, où la mer et les eaux douces se mêlent.

Nourriture :
En bas se contentent de lentilles d'eau et de rupelle des pâturages, des étangs et des rivières. Sinon, en haut, de la gastronomie safranée des cuisines elfiques.

Mœurs :
Les Dames Cygnes sont douces, sages et patientes, elles deviennent dangereuses lorsqu'on les menace ; leur pouvoir magique est sans pareil. Les Chroniques elfiques racontent en détail les guerres qu'elles ont menées contre les Alfs noirs et leurs armées de corbeaux.

Activités :
Les légendes racontent qu'elles ont inventé la Voie lactée, les rêves de voyages du rêveur de nuit, les papillons blancs des marécages et les fleurs de nénuphars, le reflet d'argent des bouleaux, l'ombelle du sureau, la leucographite qui blanchit les voiles des laveuses de nuit, la leucrite, la flora petrinsularis, la neige et les nuages, qu'elles ont forgé l'airain céleste et les cloches liliales de la lune. Elles protègent les albinos, pondent des pierres de lune et font chanter la rousseline, l'alouette des marais.

La plus ancienne évocation des Dames Cygnes descendant de nos mémoires nous vient des filid : les druides de la vieille Irlande, au temps où ils chantaient aux veillées du Château Vert sous le règne de Danann.
Le dieu Lir avait eu de sa première épouse, Aobh, quatre beaux enfants. Une fille Fionnghuala, et trois fils ayant pour noms Aodh, Cionn et Fiachna. Sa seconde épouse, Aoife, était très jalouse. Un jour, les menant au Loch Dairbhreach, elle leur demanda de se baigner et nager dans le lac, et lorsqu'ils se trouvèrent dans l'eau, elle les frappa d'une baguette de magie druidique et les mit sous la forme de quatre cygnes beaux et parfaitement blancs. "Vous serez sous cette forme, dit-elle jusqu'à l'union de la femme du Sud et de l'homme du Nord. Aucun ami, aucun pouvoir que vous avez ne seront capables de vous faire sortir de ces apparences sous lesquelles vous êtes, à moins que vous ne le cherchiez toute votre vie et que vous ne soyez trois cents ans sur le Loch Dairbhearch, trois cents ans sur le Sruth na Maoile entre l'Irlande et l'Ecosse, et trois cents ans à Ionus Domnainn et sur l'île de Gluaire Breanann. Car ce seront là vos aventures désormais. Cependant votre voix vous restera. Vous chanterez la belle musique plaintive du Sid sur laquelle, en l'entendant, les hommes s'endormiront et vivront leurs songes. Aucune autre musique au monde ne lui sera égale. Vous garderez aussi votre raison et votre dignité et jamais ne serez attristés d'être ainsi des oiseaux."
Ils vécurent ainsi, hors du temps, sur le royaume des eaux terrestres. Ils éblouirent des princesses, des princes, des poètes, toujours nageant sur le mirage des lacs, se dérobant à regret aux amours des mortels, bravant les dangers que dressent les hommes devant les bêtes blanches, et les flèches des chasseurs.
Au bout de neuf cents ans, quand ils rentrèrent chez leur père, ils ne trouvèrent plus que ruines. L'Irlande de Saint Patrick vivant la fin des dieux, les grandes races des Danann disparaissaient sous les vestiges des anciens forts pour gagner les Sid souterrains, l'éclat de leur dernière cavalcade mêlé aux mouvements des fleurs.
Ils restèrent alors alors sous la forme de cygnes et se réfugièrent dans une île auprès de saint Mochaomhog. Le moine était noble et bon de cœur et, s'il prêchait la nouvelle religion, il respectait encore les croyances d'autrefois. Il les emmena avec lui en sa propre demeure, où ils suivaient les heures et écoutaient la messe. Mochaomhog, alla chercher un maître forgeron et fit faire pour eux des chaînes d'argent blanc et brillant. Il mit une chaîne entre Aodh et Fionnghuala et une chaîne entre Conn et Fiachna. Aucun danger ni aucune fatigue que les oiseaux avaient endurés sous cette forme ne les atteignaient plus maintenant.
Mais le roi Lairgnen, qui régnait sur le Connaught en ce temps-là, entendit parler du prodige des cygnes Fées et voulut s'en emparer malgré l'opposition de leur saint protecteur. A peine s'en était-il saisi que leurs vêtements de plumes tombèrent à leurs pieds. Les garçons devinrent trois vieillards desséchés et osseux et la fille une vieille femme nue, sans chair ni sang. Lairgnen sursauta et s'enfuit de l'endroit. Fionnghuala appela alors Mochaomhog : "Viens pour nous baptiser dit-elle, car nous sommes arrivés très près de mourir. Et il est sûr qu'il n'est pas pire pour toi de te séparer de nous que pour nous de nous séparer de toi. Fais ensuite nos sépultures, mets Conn à mon côté droit, Fiachna à mon côté gauche et Aodh devant mon visage."
Après ce chant les enfants de Lir furent baptisés, ils moururent et furent ensevelis. On éleva leurs stèles au-dessus de leurs tombes, on écrivit leurs noms en ogam ( écriture à caractère magique de l'époque gaédhilique ), on fit leurs jeux funèbres ; et aussitôt leurs âmes gagnèrent le ciel.
Cette histoire rebondit et multiplie ses anneaux comme une pierre à ricochets sur tous les lacs du monde, des Indes en Laponie à travers le temps si le temps est clair et beau. Le ciel bleu flotte loin de la terre, et d'un point neigeux se détache un frémissement qui s'étire et prends forme. Des ailes nuageuses claquent, pareilles aux voiles d'un navire qu'on devine derrière la brume. Une musique de sphère à la fois mélodieuse, flûtée et pourtant ample accompagne la trajectoire libiale qui s'abandonne sur l'argent des eaux. Le guetteur tapis dans son afflux de joncs voit les cygnes Fées un à un se poser, épouser leurs reflets en lente magnificence et abandonner chaînes d'or, couronnes et parures de plumes givrées d'aiguail pour se révéler dans leur beauté nacrée. L'histoire dès lors ne varie guère, l'homme se montre noble ou goujat. Suivant le cas, il sera récompensé ou puni.
Les êtres cygnes sont parfois de simples princes, de pauvrettes princesses qu'une méchante magicienne a ainsi transformés pour une durée qui ne compte pas dans l'existence féerique. Un contre-sort viendra les en délivrer au d'or du temps sans âge. Le mortel ayant dérobé une vêture de fille ou vierge cygne peut la retenir à sa merci, la ramener chez lui, en faire sa belle épouse ; c'est pour elle presque sans conséquence. Un jour, quand un printemps de cygnes passera dans le ciel en chantant, elle répondra à l'appel, dénichera la clef du réduit dissimulant son bien et d'un coup d'aile repartira chez elle. L'homme restera inconsolable jusqu'à sa mort qu'il n'aura de cesse de hâter. Mais si la blanche vêture dérobée est celle d'un Elfe ou Dame Cygne, le voleur risque de s'en repentir sur-le-champ,. L'opération est fort hasardeuse car rien ne distingue une fille cygne nue d'une Fée cygne nue, et le danger est grand. Celui qui se conduit en rustre meurt en rustre.
Mais celui qui connaît le bonheur auprès d'elles n'en trouvera pas de comparable à son retour sur terre. Un jeune homme de Galway en fit la merveilleuse mais mortelle expérience. Ébloui par leur grâce, il les suivit au-delà des mers sur une île enchantée où chaque heure était "comme cents ans de bonheur". Il y demeura heureux sept années au bout desquelles il eut le désir de revoir ses parents."Elles soupirèrent tristement à sa demande, le firent boire dans une coupe d'or et il se réveilla d'où il était parti, sept ans auparavant, à peu de distance de la maison de son père.
Pendant un moment il vécut comme il vivait avant. Mais dans ses rêves il revoyait sans cesse le beau pays et la grâce des cygnes Fées. Il se mit à dépérir, à refuser toute nourriture et l'on voyait bien que sa tête était ailleurs. Il alla s'asseoir sur le bord du lac où elles lui étaient apparues et ni rien ni personne ne put le faire changer de place... et c'est là qu'il mourut."

SauronGorthaur
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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » lun. juin 16, 2014 4:41 pm

que de charmantes demoiselles :)
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » lun. juin 16, 2014 6:21 pm

Je trouves aussi :mrgreen:

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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » mar. juin 24, 2014 12:47 pm

Les Nixen et la Loreleï
C'est ce qu'a fait la mélodie de Loreleï, reine des flots.
( Henri Heine )

Taille :
Grands et fuselés.

Aspect :
Les Nixen ( Nixes = féminin, Nix = masculin ) sont très beaux. Ils sont en général élancés, musculeux, gracieux. Les traits fins avec de longs cheveux blonds presque blancs. Adorables lorsque, enfants, ils s'ébattent sur les rochers des rives, majestueux lorsque, devenus vieillards, ils reposent leur corps vénérable au soleil.
On en a fait par la suite des sortes de monstres écailleux, aux dents de requin, aux cheveux verts et hirsutes, pourvus de nageoires et de la nuque aux talons...

Vêtements :
Bonnet rouge, costume Renaissance bleu. Les Nixes ont des robes blanc et or très amples.

Nourriture :
Les Nixen ne sont ni des vampires ni des ogres. Ils mangent du poisson, des légumes et cuisaient les chèvres noires et blanches et les volailles qu'on déposait sur els rochers contre des leçons de chant, ou la réparation d'instruments de musique abîmés ou désaccordés.

Habitat :
La Loreleï demeure sur un rocher de 132 mètres de haut, célèbre par son écho sur le Rhin, entre "Goar et Oberwesel". Les Nixen se trouvent en Allemagne, en Islande, vers l'île de Man, mais le cœur de leur royaume s'étend du nord de Bergen, entre les côtes norvégiennes, là où la nature se fait légendaire... là où les fjords conduisent au pays féerique des arcs-en-ciel, des falaises en à-pic, du brouillard liquide, des cascades qu'illuminent les flèches solaires des dieux dormant à l'ombre des tumulus : Hardangers, Horne, Dalsoald, Laatefors, Sharfors, Espelandsfors, Sognefjord, Näröfjord, autant de noms qui répondent au fèle et à la harpe d'or des Nixen !

Mœurs, Activités :
Ils ont inventé le fèle, violon dont le son associe les cordes de métal et de boyaux.
On dit que certaines Nixes sont des jeunes filles qui se sont noyées par désespoir d'amour. Elles doivent vivre auprès des Nixen autant d'années qu'elles auraient vécues sur terre si elles ne s'étaient suicidées. Que les danses des Nixen au-dessus de l'eau, au crépuscule, annoncent que quelqu'un va se noyer à cet endroit le jour suivant. Que pour se préserver d'eux lorsqu'on va se baigner sur leur territoire, il faut porter un brin d'origan ou une parcelle d'acier.

La légende raconte que le chant harmonique, "le chant sacré", à pris sa source dans les montagnes Altaï où une chute d'eau chantait une bien mystérieuse musique. "Plus bas - rapporte Philippe Barraqué ( l'Homme harmonique ) -, la rivière Boyen-Gol attirait les animaux par ce chant naturel et aquatique. Ils paissaient et se baignaient dans ce havre de paix aux sonorités harmonieuses. Les chamans déclarèrent alors que c'est dans ce lieu sacré que la nature propagea la musique profonde de l'âme universelle..." Les premières chroniques alfiques affirment que la nature elle-même apprit à chanter et à s'exprimer par la voix des Esprits vivant dans l'eau, l'air et le feuillage et qu'elle répéta partout leur chant pour le transmettre aux bêtes des hommes. "L'eau a aussi des voix indirectes, écrit Bachelard, la nature retentit d'échos ontologiques. Les êtres se répondent en imitant des voix élémentaires." L'air et l'eau sont les plus fidèles miroirs des voix primordiales. Ce sont les Elfes et les Fées qui les premiers ont utilisé les voix célestes et aériennes pour suggérer "l'harmonie" aux hommes, et les mages ont dialogué avec eux par l’intermédiaire des harpes éoliennes.C'est par le chant des sources et des rivières que les Nixens ouvrirent aux hommes les chemins d'eau vers les âges d'or aquatiques...
On a vu tout a long de ces pays comment furent accueillies et détournées leurs paroles... Les temps ont changé et les voix des dieux sont devenues légendes, contes, superstitions, comptines, fabulettes pour "arriérés", "innocents", enfants, poètes ou elficologues quelque peu originaux.
Il est même devenu dangereux désormais d'écouter le chant des Sirènes.
Les Sirènes, les Morgans, les Nixes, les Fées de l'onde attirent-elles seulement les hommes jeunes pour le plaisir de les noyer ou pour leur révéler l'existence d'autres bonheurs ?
"Celui qui peut les écouter et résister à leur appel mortel gagne le don de la musique", récite la tradition populaire.
Le ménétrier qui peut, sur son fèle ( violon ), jouer la
Mélodie du Roi ( Nickus ) entraîne les danseurs vers l'eau. Il n'a pas le pouvoir d'en arrêter le "débit" à moins de la jouer, note par note, à rebours, à moins de couper les cordes de l'instrument. Or, marcher, lire, parler à l'envers, a toujours été le moyen de pénétrer au cœur de Féerie, dans l'envers du miroir ! S'arrêter en chemin, briser le charme est une façon de renoncer à aller plus loin, de renoncer à franchir la frontière et le pont. Par peur de se laisser à aller à l'appel de al folie, de pénétrer dans cet autre monde que les lois des hommes ne régissent plus. Ici les valeurs matérialistes s'effondrent, ici l'inconnu commence...

L'être humain exige "le beurre et l'argent du beurre". Il veut bien tromper la Loreleï, la plus célèbre des Nixes, profiter de sa beauté, de ses dons musicaux, lui dérober le trésor dont elle a la garde, tout en demeurant au sec. Il exigera d'elle, que, telle une Ondine, elle abandonne ses indésirables attributs féeriques ( qui terniraient son apanage ) et le suive, même si elle doit en mourir, sur la terre ferme où il "se sent chez lui" , mais jamais il ne condescendra à descendre chez elle. Sa mère, d'abord, le maître d'école, le curé ensuite l'ont de tout temps mis en garde contre l'étrangère ! Son imaginaire crée de toute pièces, comme un alphabet, par les siens est d'ailleurs un cauchemar peuplé d'êtres dragonneux, de monstres à crochets, de serpents : tous sortis des ondes abyssales !
Depuis sa plus tendre enfance ne lui a-t-on pas inculqué de ne pas contempler son "reflet", son "envers" ! De ne pas se pencher sur les mares, sans se cramponner au "garde-fou"... d'éviter de fréquenter les fontaines et les rêves de l'eau... de se boucher les oreilles aux mélodies nymphales, de se méfier des belles Dames du lac, dont les lèvres ravissantes dissimulent des crocs saignants...

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Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar SauronGorthaur » mar. juin 24, 2014 4:57 pm

ah, les Nixen/s et la Loreleï :super: les charmantes "sirènes" germaniques d'eau douce!
le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Antonio Gramsci
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Náin

Re: La Grande Encyclopédie des Fées

Messagepar Náin » ven. juin 27, 2014 11:04 am

V Les Demoiselles des Verts Royaumes

Les Arbres Fays
Il faut croire que les grandes forêts ont le don d'attirer les prodiges, comme les cimes ont celui d'attirer la foudre.
( Félix Bellamy, La Forêt de Brocéliande )

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Taille :
On n'a plus guère aujourd'hui de notion de la hauteur de ces colosses d'écorce, dont les dragons contemplaient la cime vertigineuse en se tordant le cou. Quelques antiques Séquoïas Fays d'Amérique ( où subsistent des arbres de 4 900 ans ) nous en donnent encore un vague aperçu. Il faut voir parmi les baobabs d'Afrique, les oliviers méditerranéens vieux de mille ans, les cyprès chauves du Mexique que vingt-cinq hommes ceinturent à peine, pour se faire une idée de leur grosseur et de leur forme.
Mais il existe aussi des Arbustes Fays, des Plantes et des Fleurs Fays.

Vêtements :
Ils ne portent pas, bien sûr, de vêtements, à part le sorbier que l'on a déjà vu enveloppé d'une cape grise "faite de mousses et de brouillard". En Inde, des Esprits des Arbres Fays sortent parfois de leur "fût porteur" et, vêtus de très riches apparats, vont rejoindre la cour d'Obéron et Titania.

Nourriture :
S'alimentent de la même façon que s'alimentent les corps d'arbres qu'ils habitent. Les squelettes blanchis et "bien nettoyés" trouvés dans les racines ou dans leur ventre ont prouvé l'existence d'Arbre Fays anthropophages. Ils se nourrissent d'animaux, d'humains mais respectent l'ensemble de la famille alfique, contrairement à ce que voudraient faire croire de nombreux romans récents d'heroïc fantasy.
Les gros palmiers à dents et tentacules, les betteraves boursouflées, les poireaux à ventouses, les baobabs cannibales du Magazine de l'explorateur, sortis tout droit du palpitant bric-à-brac des Aventures et voyages, ont toujours amusé les elficologues, mais la végétation sanglante rencontrée sur La Montagne morte de la vie ( Michel Bernanos, fils de George ) est authentique.

Habitat :
Les Arbres Fays sont enracinés aussi bien à tous les espaces de la planète que sur les îles Bienheureuses : Avalon, Hy-Breasil, Tir Nan Og, Tirn Aiel, où ils ne cessent de croître. Il faut citer également ceux de Chanctonbury Ring ( West Sussex ), de Mormal ( nord de la France ), Coëtquidan : "le bois d'en dessous ), l'envers souterrain de Brocéliande. Ceux de la Forêt-Noire, de Sherwood, Morrois, Bondy, ceux d'Ardennes, des vertes demeures scandinaves, les Fées Palétuviers des Everglades, les Fays Bourrus du Caucase, les Grows de Yllowstone...

Mœurs, Activités :
Les Arbres Fays sont les gardiens, les guerriers sages, les intermédiaires entre le visible et l'invisible de la forêt.
Ce sont ceux qui décident d'ouvrir oui ou non au promeneur les portes du Massif Sacré.
Celui qui entre dans la forêt pénètre au sein de son propre inconscient... L'Arbre Fay est à la foi gardien, juge et... exécuteur. Le "Grand Foyaux", dont l'architecture des branches maîtresse rappelle - seulement au pendu - les potences d'un accueillant gibet, l'invitera à s'y pendre.

"Il n'est pas besoin d'être longtemps dans les bois pour connaître l'impression toujours anxieuse qu'on "s'enfonce" dans un monde sans limite" ( G. Bachelard ). Une fois la première appréhension surmontée, voici le tunnel indiscipliné sillonnant les lieux bas et hauts de la Demeure Ancienne. Hormis le bûcheron, le garde, le botaniste accaparé par sa tâche, le chasseur, qui s'y rendant sans y pénétrer vraiment, il faudrait être un élu, un poète, un sage, un demi-sauvage, un innocent, un hybride d'homme, d'animal et de Fée pour franchir la terrible lisière. Il vaudrait mieux encore être un enfant : le Petit Poucet et ses cailloux blancs, conscient qu'il l'emportera sur l'Ogre en le prenant comme tel, le Petit Chaperon Rouge déjà consentante à l'initiation sauvage, Hansel et Gretel à la recherche du garde-manger à deux tranchants de la forêt ( la liste des contes prétextes où évoluent ces petits messagers est infinie ) ou être encore Robin Hood ou Merlin, qui au bois se confondent, pour appréhender tout de suite le parcours "sur-naturel" de Féerie...
Car combien vont s'effrayer, se perdre, tourner en rond, s'égarer dans toute la force du terme, mourir en pénétrant dans l'insondable univers de leur inconscient : "Nous sommes dans la forêt. La forêt est en nous." Que vont y trouver le familier et l'intrus ? Des êtres paisibles ou des dragons ? La réalité des jacinthes et des "bonnes gens" ou la projection de leur fantasmes ?
Dès le Moyen Age - comme plus tard on distribuera des couvertures évangélisatrices imbibées de thyphoïde, de l'alcool aux sauvages, et de la pluie acide aux frondaisons - l'église va inoculer ses incubes, succubes et tous les homoncules de laboratoire et la ménagerie infernale de ses vices à travers l'atmosphère trop pure, innocente, propice à l'épidémie. On est définitivement tranquille : plus personne n'ira au bois se cacher, y rêver de mondes meilleurs !
Le mal est fait, la métamorphose est entamée, la dégradation chemine ; les espèces trop fragiles sont déjà frappées et en voie de mutation. Seuls quelques réfugiés sont enfermés dans le dernier massif... La faune, la flore, les Arbres Fays sont devenus méchants...
Les Arbres Fays sont des êtres surnaturels qu'il est essentiel de respecter. Déjà les Amérindiens le savaient, qui jamais n'auraient sculpté de totem dans leur bois. On raconte, autour des ultimes fûts des réserves indiennes ( autre impardonnable exemple de destruction ), d'horribles histoires de Séquoïas Fays tronçonnés et débités et dont les esquilles en se remodelant seraient devenues de petits monstres vengeurs... et d'autres récits encore d'Arbres Fays convertis en pâte à papier, qui auraient pervertis les écrits en y insufflant les miasmes de l'instinct destructeur. Les mauvais livres n'étant jamais ceux que les décideurs en dirigeants du moment condamnent à l'autodafé.
Longtemps le culte des arbres a persisté en Gaule d'avant le christianisme. La Forêt Noire était la Dea Abnora, l'Ardenne la Dea Ardivina. Les inscriptions Sex Arobirus et Fatis Dervonibus ( "aux Génies des chênes ) témoignent de l'adoration des sylves, où régnaient encore les Fées Souveraines. Les riverains de l'empire forestier, qui laissaient sans trop de regrets démolir les temples consacrés aux divinités romaines ou dieux gaulois romanisés, se résignaient moins facilement aux actes qui s'attaquaient à des dévotions et rituels liés aux origines.
Longtemps et longtemps encore à travers légendes, contes, survivances, cultes, la présence des dieux sylvestres a subsisté dans la mémoire des hommes, et l'attirance demeure...
"Certaines hautes futaies sont des spectres que des Rois Fées ont plantés et que le temps a transformés en arbres."
Le jour de la Saint-Pierre, on allait danser au pied d'une dizaine de chênes énormes à Cuze ( Doubs ). En 1832, l'administration les fit abattre. Les bonnes vieilles scandalisées par cette impiété se plaignaient : "On a coupé nos chênes bénits, nous allons avoir de mauvaises récoltes." Depuis, on a pas eu d'aussi abondantes moissons ni d'aussi belles vendanges qu'auparavant.
En Suisse, chaque village était dominé par une petite forêt qui le protégeait des avalanches. Un vieux berger eut la main tranchée pour avoir voulu y couper une branche, et on eut toutes les peines du monde à arrêter le sang qui s'échappait du tronc. Tous les ans, à l'anniversaire de ce crime, le berger entend un effroyable vacarme : ce sont les Lutins des cimes qui vengent les arbres de la forêt. Le matin, quand il se réveille, chèvres et moutons ont un tache de sang qu'il fait disparaître en la frottant avec de la terre prise à minuit, entre les racines de l'arbre qu'il a voulu tuer.
A Guernesey, la blanche épine - qui est le roi des bois - ne doit pas servir à des usages vulgaires. En basse Bretagne, le bois de chêne est un talisman contre les mauvais Esprits qui ne peuvent rien contre un bateau construit dans cette essence. Une figure de proue en peuplier conduira le navire jusqu'au bout du monde en lui évitant tempêtes et naufrages.
Les Arbres Fays ont toujours protégé les amours enchantées. Certains arbres ne sont-ils pas d'ailleurs des hommes que des Fées ont transformé pour les garder auprès d'elles à jamais ? On raconte qu'un couple s'aima si fort et si fidèlement qu'à leur mort, le chêne sous lequel ils avaient échangé leur premier serment les changea en deux arbres jumeaux. Le soir, on les entend se parler on peut les voir s'enlacer tendrement.
Mais ils punissent aussi les amants infidèles, poussent les parjures, les poursuivent, les écrasent, les obligent à se pendre...

Pour se débarrasser de sa maladie, on la transmettait à l'arbre. On liait une corde aux branches ou un linge qui avait touché le mal et on l'y laissait pourrir ; lorsqu'il tombait en lambeaux, la guérison était proche. Des arbres étaient couverts de tant de bandages et de langes qu'on leur aurait cru des feuillages de tissu. Il existe encore de tels arbres miraculeux chargés de scapulaires, d'ex-voto, de cierges, mais les chapelles érigées sur leurs racines reçoivent désormais à leur place l'attribution de guérisons.


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