Si ils font trainer l'intrigue en longueur comme dans A la croisée des mondes, ça risque de clairement pas le faire
Mais bon, pour le moment, je leur laisse le bénéfice du doute
Pour le casting, il faut s'attendre à des personnages dans le genre Games of Throne. On est ici pas du tout dans l'heroic fantasy, ni même avec Arthur, tous sont plus des "anti héros" que des héros, y compris d'un point de vue martial. Arthur ne manie pas une épée magique, et n'est pas un bretteur exceptionnel. Son mérite est dans sa détermination et son courage, un peu comme Prince Vaillant, mais sans la prouesse guerrière. En tout cas au départ. Quant à Merlin, c'est d'avantage un charlatan - ou plutôt une sorte de druide - qu'autre chose. La magie est du folklore chez Cornwell. Sa manifestation s’explique par des phénomènes scientifiques.
http://bleurg.toile-libre.org/?p=3218Le narrateur
Ancien esclave Saxon recueilli par Merlin et élevé à Avalon, Derfel a vécu cette époque et la relate à une jeune noble qui vient le visiter dans sa retraite monastique. Derfel est l’ami de Nimue (dont il est aussi amoureux), la maîtresse et apprentie de Merlin. Il deviendra affranchi, puis guerrier – c’est-à-dire un homme libre – avant de finir sa vie cloitré. Son récit adopte la forme d’une chronique rédigée bien après les faits, sur le déclin de sa vie. Mais en tant que témoin privilégié des faits, son histoire possède la force et la vivacité du vécu.
Histoire et Légendaire Arthurien
L’une des forces de l’œuvre réside dans le rapport étroit qu’elle entretient avec le Légendaire Arthurien et l’Histoire.
Le récit est centré sur les aspects politiques et religieux : diplomaties, croyances, complots, batailles forment la trame de l’histoire. Le style est plutôt réaliste, les combats violents, les comportements souvent emportés et cruels, loin de la bienséance chevaleresque. Il ne s’agit donc pas d’une épopée au sens traditionnel du terme, mais d’une chronique parsemée d’alliances et de trahisons sous couvert diplomatique, de mariages politiques, de basses vengeances et de coups bas, où la cruauté est un mode d’action implicite en ces temps de chaos et de recomposition. On sent au fil de la lecture que l’auteur a fourni un solide travail de recherche historique sur la période concernée, ce qui donne à cette chronique une forte authenticité Historique – même s’il ne s’agit que d’une énième revisitation du thème arthurien.
La recherche du martyr et l’intolérance des premiers chrétiens répond au chaos du paganisme dejà mis à mal par l’occupation romaine. Les tactiques de combat et les équipements authentiques de l’époque nous font découvrir les reliquats de l’organisation militaire romaine face aux charges furieuses des ethnies anglo-saxonnes. Les statuts et les rangs sont ainsi bien présentés, de même que les rivalités des royaumes de traditions celtes. Vous ne trouverez pas de chevaliers au sens classique du terme, mais une cavalerie lourde et peu nombreuse dont les origines remontent aux Auxiliaires (peut-être d’orgine Sarmates) envoyés au siècle précédent par Rome.
B. Cornwell récupère donc des figures légendaires et les intègre dans ce décor fouillé de fin et début de monde, solidement étayés par des éléments dont l’historicité est maintenant avérée, quoiqu’encore (et peut-être à jamais) incomplète. C’est un tour de force réussi, qui plonge les personnages mythiques tel Arthur, Lancelot, Guenievre, Morgane, Mordred ou Merlin dans le complexe écheveau de ce qui allait donner naissance à l’Angleterre. Le réalisme est d’autant plus fort qu’il s’appuie aussi sur la lutte des chrétiens contre les païens, et démontre les rouages politiques de l’implantation du monothéisme et ses conséquences.
Mais ce réalisme est habilement contre-balancé par l’influence des religions antérieurs, qu’elles soient autochtones ou importés par l’influence Romaine résiduelle. La magie est ainsi présente, mais relève plus des croyances de l’auditoire et de l’habilité du magicien que de la réalisation d’actes extra-ordinaires tirant leurs forces d’une réelle énergie extérieur. Elle repose sur des artifices qui visent les peurs et la crédulité de l’auditoire, basée sur une très bonne connaissance de la psyché de l’époque et un savoir-faire certain en matière d’effets de surprises arrivant au bon moment au bon endroit. Le Merveilleux s’en trouve évacué au profit de mises en scènes savantes qui s’enracinent dans le substrat païen des différentes ethnies. Elle n’en perds pas pour autant de son efficacité tant narrative que dans les faits, et adopte souvent la forme de mesures désespérées pour rendre aux Dieux leurs emprise d’antan.
Les Personnages sont attachants ou carrément déplaisants, avec une profondeur psychologique parfois un peu caricaturale – mais ceci-dit, pour des figures légendaires, difficile de faire autrement. Derfel, à la fois témoin et narrateur, reprends un peu trop à mon goût les gimmicks des autres « héros » du même auteur. On y retrouve la filiation plus ou moins illégitime avec un Puissant de l’époque, le côté combattant d’élite glissant vers la diplomatie. Arthur est conçu en tant que Dernier des Romains, tiraillé entre les influences celtiques, la cité romaine et la pression saxonne. Guenievre, Morgane et Nimue forment une triade féminine forte, et l’on pourrait y voir les trois aspects de la Déesse Celtique insulaire.
L’intervention de Lancelot au sein de l’intrigue se fait en-dehors du cadre classique de l’Amour Courtois, mais s’intègre à une trame à triple hélice : religieuse, politique et dramatique. La célèbre relation adultère acquiert ainsi un caractère totalement différent et autrement plus plausible et surtout moins mièvre. Il en va de même de l’histoire de Tristan et Iseult, d’une saisissante tristesse , mais totalement inscrite dans le contexte de cette période charnière qu’est la frontière floue de la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen-âge.
Pour conclure, la Saga du Roi Arthur sonne juste dans ses détails et dans sa construction, et propose une relecture radicale du légendaire arthurien. Plaisante à lire, c’est quand même une oeuvre sombre, désespérée, en adéquation avec l’époque, qui vit fleurir des royaumes éphémères et sombrer le joyau décadent qu’était Rome, ainsi que les Royaumes Celtiques de la Bretagne Insulaire. Je la range délibérément dans la Dark-Fantasy, par son sujet et sa forme, et elle côtoie sans dépareiller les Chroniques de la Compagnie Noire.
Bref, ne vous attendez surtout pas à du Mallory ou du Chrétien de Troyes

Garçon.
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'... "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'. Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous.