« Nautilus » : que vaut la série de France 2 adaptée du roman de Jules Verne ?
Cette relecture de « Vingt Mille Lieues sous les mers » propose un récit familial généreux et divertissant même s’il pèche par manque de profondeur.
Revisiter un classique de la littérature, c'est courir le risque de prendre l'eau. Et la série Nautilus, très librement inspirée du roman de Jules Verne Vingt Mille Lieues sous les mers, a bien failli couler avant même de naviguer sur l'antenne de France 2 ce lundi 12 avril. Cette adaptation, initialement commandée par Disney+ , a en effet été sacrifiée sur l'autel des économies drastiques engagées par la plateforme américaine. L'an dernier, la firme a ainsi annoncé son annulation… avant de réussir in extremis à en revendre les droits à la chaîne AMC. La tempête passée, dans l'Hexagone, c'est sur le service public que la fiction a accosté, portant haut le pavillon d'un spectacle familial à grand budget propre à séduire petits (surtout) et grands et à les réunir devant l'écran. Ses dix épisodes développent un récit d'aventures distrayant, mêlant séquences épiques et humour bon enfant, quitte à laisser parfois à fond de cale la réflexion.
Une relecture de Vingt Mille Lieues sous les mers sur la jeunesse du capitaine Nemo
Nautilus, qui emprunte son titre au légendaire sous-marin de Vingt Mille Lieues sous les mers, s'intéresse aux origines de Nemo. Dans cette déclinaison créée et coécrite par le scénariste britannique James Dormer (Les Médicis : maîtres de Florence, Devils), le héros n'est pas encore un capitaine misanthrope, mais un prince indien fait prisonnier par la Compagnie britannique des Indes orientales, par ailleurs responsable de la mort de sa femme et de sa fille. On est en 1857, à Kalpani, et l'entreprise, « plus puissante qu'une nation », a réduit en esclavage la population pour construire sa flotte… et un submersible top-secret, une merveille de technologie destinée à conquérir de nouveaux territoires. Bien décidé à s'évader et venger sa famille, Nemo (Shazad Latif vu dans MI-5 et Star Trek Discovery) provoque une mutinerie pour s'emparer du sous-marin avec l'aide de son concepteur, l'ingénieur français Gustave Benoît (Thierry Frémont) et de quelques compagnons d'infortune. Un équipage ô combien hétéroclite (et tout aussi néophyte en navigation) auquel se joint bientôt, à la faveur d'un abordage, une lady futée (Georgia Flood) cherchant à échapper à un mariage arrangé, son chaperon à la langue aiguisée (Céline Menville) et un jeune moussaillon (Kayden Price) toujours flanqué de son espiègle cabot. Pour tous, commence un voyage épique à travers les océans et des terres encore inexplorées à la recherche d'un mystérieux trésor viking… Mais avant de mettre la main sur le magot, c'est dans de dangereux marigots, et pas seulement marins, qu'ils devront plonger…
Une série familiale à grand spectacle
L'un des atouts de la série réside dans sa production, luxueuse. Mention particulière aux décors, dont le plus spectaculaire reste l'intérieur du Nautilus avec ses dédales de couloirs, son impressionnante salle des machines et son poste de commandement sophistiqué. Tournée en 2022 en Australie, la série bénéficie aussi de magnifiques décors naturels au fil des escales de l'équipage dans des contrées exotiques dont les habitants ne sont pas toujours très hospitaliers… mais restent parfaitement fagotés. Les costumes sont en effet remarquables, depuis les haillons des esclaves et des naufragés jusqu'aux saris d'un rajah blanc de pacotille et de sa suite en passant par les uniformes des soldats et les robes à crinoline de l'héroïne. Les effets spéciaux parviennent enfin à donner vie à d'impressionnantes créatures parmi lesquelles le fameux calamar géant et à crédibiliser les batailles navales et autres morceaux de bravoure sous-marines. Le (grand) spectacle est donc assuré, tout comme les rebondissements rocambolesques, qui s'enchaînent à un rythme soutenu. Sans oublier les touches d'humour pour faire baisser la tension et remplir le cahier des charges de la fiction familiale. Voilà pour la forme, plutôt réussie. Le fond, lui, l'est un peu moins. Son ambition affichée ? S'approprier le plaidoyer humaniste et écologiste du roman originel, qui n'a jamais été autant d'actualité. Mais elle le fait sans grande subtilité, au détour de sentences un brin grandiloquentes, voire simplistes : « Nous les humains, nous sommes tellement convaincus de notre supériorité que nous avons oublié que cette planète existait des millions d'années avant nous et continuera d'exister après ! » se désole ainsi l'ingénieur frenchie, qui milite pour la préservation des cachalots et tente de rallier à sa cause ses compagnons perplexes. N'empêche ! Mais même si elle n'évite pas l'écueil d'un discours trop convenu pour totalement convaincre, la série, qui se veut avant tout divertissante, remporte son pari… Diffusée tout l'été, elle restera disponible jusqu'au 25 octobre sur france.tv. Dans la foulée de ses deux premiers épisodes, France 2 propose aussi la rediffusion du Tour du monde en 80 jours avec l'excellent David Tennant. De quoi combler les amateurs de Jules Verne. Et peut-être les inciter à se replonger dans ses œuvres visionnaires…
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