beaucoup de trouble
beaucoup de fascination
une espèce de fascination béate (au sens de la béatitude de Spinoza) ça nous dépasse oui mais aussi par moment dans le bon sens du terme, et dans les moments optimistes j'ai du mal à ne pas y voir la patte de "quelque chose" (on peut l'appeler Dieu bien que Dieu pour moi, c'est Ce qui existe, donc Univers voire au-delà, si on se placerait dans un concept plus large de multivers

Après ce que je ressens en même temps de vrai dans la vision lovecraftienne c'est bien évidemment le fait que nous ne sommes rien, à l'échelle cosmique. Et même à notre échelle je trouve, quand on voit tout ce qui se passe, les horreurs, l'incapacité même de l'Humanité à converger dans son propre intérêt or la barbarie (la notre) c'est aussi la conséquence des mêmes lois cosmiques (qui quelque part se rient de nos pleurs et de notre moralité, elles existent juste comme ça peut-être parce que ça ne pouvait pas être autrement, un peu comme le résultat de plein de combinaisons et nous serions la seule "gagnante" pour qu'apparaisse dans l'univers des choses, des entités, des corps physiques, des étoiles, de la nucléosynthèse, de l'eau, de la vie, de la conscience, nous.
En bref, on peut voir le verre à moitié plein (les religions), à moitié vide (Lovecraft, les nihilistes, les nietschéens encore qu'il y a chez Nietzsche une espèce de réflexion qui pousse à profiter de la vie autant qu'on peut d'après ce que j'ai cru comprendre, même si j'ai un peu de mal avec son espèce d'apologie de la souffrance pour se dépasser - j'en ressens cependant en partie le sens par exemple quelqu'un qui traverse des épreuves terribles parviendra parfois plus que d'autres s'il survit mais ce point est important à vivre pleinement, à profiter de chaque instant comme certains malades de cancers etc, donc la souffrance en un sens est aussi "utile" pour un élan je dirais positif et favorisant la vie. Mais il y a chez Nietzsche quelque chose de très pessimiste, noir, sombre, sur quoi j'ai du mal à mettre des mots et qui me gêne même si par moment mon analyse du monde m'y ramène beaucoup (et m'éloigne à contrario de l'espèce de béatitude spinoziste en laquelle j'adhère à mille % intellectuellement mais qui est dur à concrétiser en pratique en tout cas dans mon cas, rien qu'en ce moment avec toutes les barrières pour vivre avec un esprit positif (cf les news quotidiennes, l'insécurité etc)
Pour en revenir à Lovecraft donc, d'un côté et de la même manière que Nietsche il m'attire, de l'autre, il me rebute, il m'effraie, il me met mal à l'aise, et je le trouve trop sombre, je lui préfère typiquement un artiste comme Terrence Malick (bon on compare un écrivain et un cinéaste mais c'est pour montrer un peu deux "écoles" assez différentes et deux manières de voir le monde je trouve, bien que toutes les deux quand même éloignées des monothéismes traditionnels des religions, fort éloignés dans l'esprit. L'un appelle à l'émerveillement pour tout ce qui existe, au recul, à la béatitude, il appelle à voir justement notre petitesse et notre insignifiance par rapport au cosmos non pas comme quelque chose de terrible et inquiétant mais aussi comme fascinant, positif, comme si finalement par effet papillon tout influence tout y compris nos petites actions en apparence insignifiantes, et je crois plus en ça moi,
quand l'autre au contraire insiste et lourdement plutôt sur le fait que toute recherche de sens est vaine et se heure symboliquement à des murs immenses et insurmontables, il y a chez Lovecraft comme une complaisance je trouve (mais je ne l'ai peut-être pas lu assez j'ai très peu lu d'oeuvres) dans cette douleur humaine, dans cette condition limite pitoyable qui est la notre et qu'il décrit. En gros je pense qu'il sombre dans un excès un peu inverse, et je ne m'étonne point qu'il soit mort un peu fou et suicidaire, à sa décharge je dirais que surmonter les épreuves et la vision de notre monde même à échelle humaine n'est parfois pas une sinécure
