Mr. Robot, Sam Esmail (USA Network)
Véritable phénomène, la première saison de Mr. Robot diffusée pendant tout l’été aux États-Unis a touché tout particulièrement les « geeks ». Il faut dire que, peut-être pour la première fois, une œuvre de fiction a exploité les outils informatiques actuels de façon parfaitement réaliste, sans tomber dans le cliché qui n’a aucun sens de ces personnages qui tapent au hasard sur leur clavier face à des écrans qui n’affichent que des informations aléatoires. Sam Esmail a pris grand soin de n’utiliser que des technologies actuelles pour concevoir sa série qui place l’informatique au cœur des enjeux. Est-ce pour autant le seul intérêt de la dernière production de la chaîne USA Network ? Non, car Mr. Robot ne s’en tient pas à l’informatique et construit un thriller qui dépasse largement le hack pour construire une œuvre plus ample autour du capitalisme et de la folie. Une série passionnante, qu’il faut d’abord regarder sans lire la moindre ligne à son sujet.
Dès le pilote, Mr. Robot se présente comme une série extrêmement bien construite et conçue. L’image froide, qui rappelle assez le travail de David Fincher sur House of Cards, permet à l’ambiance de s’installer très rapidement. Mais d’emblée, c’est bien le personnage principal qui s’impose comme point fort incontestable de l’œuvre de Sam Esmail. Elliot Alderson est un informaticien spécialisé en sécurité le jour, un hacker hors-pair la nuit. C’est aussi un homme qui a du mal à se placer dans la société, qui n’a quasiment aucune relation sociale et qui parle en permanence à un être imaginaire en s’adressant directement aux spectateurs. Ce personnage n’est pas net et il n’est pas forcément très attachant, mais on comprend vite qu’il sera un atout pour la série. De fait, l’intrigue se met en place et d’autres personnages entrent en scène, mais aucun n’arrive à la hauteur de cet anti-héros parfaitement incarné par le prometteur Rami Malek. La première saison tourne autour de plusieurs twists successifs qu’il n’est pas nécessaire de dévoiler, mais qui changent à chaque fois notre perception d’Elliot. Comme souvent, ce personnage est intéressant, car entouré de mystères : qui est-il vraiment ? Pourquoi veut-il à tout prix détruire Evil Corp et lancer une révolution informatisée ? On ne comprend pas forcément ses intentions, du moins on ne les saisit pas immédiatement, ce qui apporte beaucoup à Mr. Robot. Le fil rouge de la saison évoque à plusieurs reprises Fight Club, une inspiration totalement assumée par le créateur de la série qui a même utilisé « Where is my mind ? » pour citer directement le film de David Fincher. Dans un cas comme dans l’autre, on a un personnage dérangé, à la limite de la folie, qui prend à partie les spectateurs. Et dans un cas comme dans l’autre, on tombe dans le piège avec délectation : difficile de savoir si Mr. Robot tiendra la route, mais les dix premiers épisodes sont sans conteste très bien écrits et passionnants.
(NDLR
Je poste le morceau "where is my mind" évoqué dans l'article et correspondant à cette scène entre Elioth et Wellick. il s'agit ici d'une reprise du fameux morceau des Pixies, en version piano, par Maxence Cyrin)
L’informatique est au cœur de Mr. Robot, on le disait. Cela passe naturellement par une utilisation constante des ordinateurs pour faire avancer l’intrigue, et en particulier l’utilisation du hack. Le personnage principal est un hacktiviste qui vise une grosse entreprise avec fsociety, un groupe de hackers qui appellent à une forme de révolution à travers leur code et des vidéos où ils se présentent masqués, façon V pour Vendetta. Autant dire que l’on voit beaucoup d’ordinateurs et beaucoup d’interfaces et, une fois n’est pas coutume, ce ne sont pas des interfaces bidons conçues pour épater la galerie. Sam Esmail s’est bien renseigné et tout ce que l’on voit sur les écrans est parfaitement réaliste : les commandes tapées, les logiciels utilisés… tout est crédible et bien documenté, à tel point que la série ressemble presque à un petit manuel du bon hacker. Il suffit de consulter cette liste de logiciels et matériels qui existent vraiment et qui ont été utilisés à un moment ou à un autre de la série pour comprendre que les producteurs ont bien fait leur travail. Et ça paye : on n’a jamais l’impression de voir une fausse informatique censée faire de l’effet, mais on a vraiment le sentiment de voir des informaticiens au travail. Quand on connaît un peu le domaine, cela fait plaisir de ne pas voir n’importe quoi et c’est toute la série qui gagne en crédibilité et en profondeur. Et ce n’est pas simplement une excuse pour « faire geek » : le scénario exploite au maximum les aptitudes en informatique des différents personnages et l’intrigue avance souvent grâce à une intrusion sur un réseau, grâce à un malware posé sur un serveur, ou à un téléphone exploité à distance. Rassurez-vous si tout cela ne vous intéresse pas toutefois, il n’est pas nécessaire de comprendre ce qui se passe sur les écrans d’ordinateurs pour suivre et apprécier la série. Il n’en reste pas moins que l’on apprécie que Sam Esmail soit allé sur ce terrain, mais qu’en plus il l’ait bien fait.
NDLR : Attention la suite de l'article concerne la saison 2 et risque de vous divulgacher le scénario, ne lisez pas si vous voulez éviter certains spoilers)
(1 décembre 2016)
La fin de la première saison était riche en informations. On découvrait notamment qu’Elliot, le personnage principal de Mr. Robot, était bien schizophrène et que l’un des personnages principaux était en fait une vision de son père, mort depuis des années. Un vrai choc parfaitement mené par Sam Esmail, mais qui posait la question de la suite. Comment rebondir après cela, comment proposer autre chose sans tomber dans la démesure ? Bonne nouvelle, c’est tout à fait possible et la deuxième saison de Mr. Robot, légèrement plus longue que la précédente, est tout aussi excellente. Peut-être même plus, d’ailleurs, car le grand hack du siècle est terminé et les scénaristes peuvent se concentrer sur la psychologie de leurs personnages.
La suite ici : https://voiretmanger.fr/mr-robot-esmail-usa-network/
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(critiques des saisons 2, 3 et 4)
où l'on apprend entre autre que le créateur de la série (Sam Esmaïl) est à la réalisation de chaque épisode de la série.
Contrairement à beaucoup de séries où le réalisateur principal ne réalise pas tous les épisodes comme vous le savez, on a souvent pas mal de réalisateurs associés, que ce soit dans Game of Thrones ou autres)
perso je trouve qu'on sent bien son style tout le long de la série et c'est sans doute une très bonne chose ainsi