Un petit topic aujourd'hui pour parler d'un roman qui est souvent considéré comme un chef d'oeuvre : Musashi (de l'auteur japonais Eiji Yoshikawa). Il s'agit de l'un de mes romans préférés et je ne pourrais tarir suffisamment d'éloges à son propos, ayant d'ailleurs abordé le sujets précédemment dans d'autres topics du forum comme celui sur le samouraï Miyamoto Musashi (voir rubrique Histoire) ou encore dans la rubrique littérature ou dans le topic sur le manga Vagabond (car ce dernier est en fait une adaptation avec quelques libertés de ce fabuleux romans) ...
Il s'agit d'un roman fleuve, c'est vraiment un gros machin à lire, il est d'ailleurs parfois divisé en deux tomes dans les éditions françaises, parfois en un seul mais même en deux tomes il s'agit de deux très gros pavés de 1000 pages (personnellement je l'ai en cette version et je peux vous dire que même en le dévorant comme je l'ai fais vous n'allez pas le terminer en une semaine lol )
ci-dessous : Mon édition ( La pierre et le sabre est le premier tome et La parfaite lumière le second, pour info )
Voici la forme en un seul tome ( il doit y avoir d'autres éditions françaises avec des photos de couverture différentes mais c'est la plus connue )
Voici une petite présentation Amazon du livre :
Dans le Japon du XVIIe siècle, le jeune Takezó devient le samouraï Miyamoto Musashi et n'a plus qu'un seul but : tendre à la perfection. Dépasser ses sentiments et persévérer pour s'améliorer, se perfectionner et parvenir à comprendre le sens profond de la vie en développant son art, l'art du combat. Duel après duel, il crée son propre style. Son parcours initiatique, mariant aventures, amour et quête de soi, nous entraîne dans une grande fresque épique. Un chef-d'œuvre !
Si je vous en parle c'est parcequ'il fait tout simplement partie de mes livres préférés avec Le seigneur des anneaux et quelques livres de Tolkien.
A la base, je connaissais peu de choses de ce samouraï, Musashi, je n'en avais qu'entendu vaguement parler à travers certaines références dans des films ou en discutant avec des passionnés de Japon sur allociné vers 2002 ; Bien que Musashi comme vous le savez sans doute soit un personnage très connu même bien au-delà du Japon, ayant été à de multiples reprises adapté au cinéma (on pourrait évoquer le film de 1954 La légende de Musashi, du réalisateur Hiroshi Inagaki), adapté aussi en mangas, ou traduit en romans sous bien d'autres oeuvres que celle dont nous allons parler aujourd'hui. Mais pour ma part je connaissais encore peu de choses de toute cette culture à l'époque et le peu que je connaissais était sans doute au travers d'oeuvres donnant une vision un peu cliché du Japon, des samouraïs, de l'esprit du Bushido ... Découvrir ce roman fut donc à la fois passionnant pour moi (même s'il est justement ... très romancé, je crois qu'il ne faut pas voir dans la description qui est faite de Musashi à travers lui la réalité, le roman livre une certaine vision du personnage et notamment de ses aventures et de son cheminement qui semble sous certains points relativisables historiquement, mais ceci n'est pas une faiblesse lorsqu'on l'aborde en connaissance de cause et ne saurait amoindrir ses indéniables qualités. Il s'agit d'un roman qui vise sans doute avant tout le plaisir du lecteur et en même temps pour moi il est beaucoup plus que ça, de part les leçons de vie qui s'en dégage et sa profondeur incroyable (sa dose d'humour aussi par moment, les atmosphères étant tour à tour tristes, tragiques, irrévérencieuses - à travers certains personnages ayant de sacrément fortes personnalités - et bien plus qu'un roman de combat, de sabre, il parle avant tout de la vie et est à mes yeux une très belle métaphore ..
ci-dessous : une image du film La légende de Musashi (de 1954)
Mon expérience à la lecture de ce livre fut donc à la fois belle et un peu étrange (je ne m'attendais pas à vivre un choc, l'ayant trouvé un jour par hasard dans une brocante et l'ayant acheté sans conviction énorme, un peu par curiosité, or dès les premières pages le style de l'auteur m'a capté). Je crois que c'était mon premier roman japonais vraiment terminé à l'époque, et j'en étais pas peu fier car quel roman !! plus de 800 pages ! Un gros pavé, un peu comme Le seigneur des anneaux de Tolkien. Roman épique, doté d'un véritable souffle, on pourrait le comparer à nos romans de cape et épée, mais ici à la sauce japonaise bien évidemment, avec un parfum aventureux fort qui nous fait voyager à travers le Japon du début du 17ème siècle, roman parcouru de moult combats au sabre mais qui parle aussi d'art, de labeur, d'amour, de quête de soi, de dépassement, d'honneur, de perfection, d'arts martiaux (ceux parmi vous qui aiment les arts martiaux et qui pratiquent, non seulement pour le côté self défense mais d'abord et avant tout pour la philosophie profonde qui peut se dégager de ces arts d'origine japonaise, je pense que ce roman est fait pour vous tellement il dégage des concepts, des leçons existentielles qui se retrouveront plus tard dans ce qu'il convient aujourd'hui d'appeler des sports. Au-delà de ça, c'est un roman qui peut toucher beaucoup plus de monde, si tant est que vous soyez en quête de quelque chose dans vos vies et dans un désir de vous optimiser ... Personnellement je l'ai pris comme une véritable claque, et dans les moments difficiles de l'existence, il m'arrive d'y repenser, de repenser à certaines épreuves du héros du livre, et d'imaginer une certaine applicabilité ...
Le roman nous plonge par ailleurs dans une période historique intéressante, les débuts de l'ère Edo, peu après la célèbre bataille de Sekigahara se soldant par la victoire des troupes de Tokugawa Ieyasu (1600), le roman est donc instructif pour nous faire découvrir toute cette époque qui s'inscrit donc APRES la fameuse époque sengoku jidai (époque des Provinces en guerre), il s'agit ici d'une époque plus calme de l'histoire japonaise durant laquelle les shoguns de la dynastie Tokugawa réorganisent le pays, où les samouraï évoluent peu à peu de leur fonction combattante pour devenir plutôt des fonctionnaires, laissant leur côté guerrier pour les grandes cérémonies, ou fondant des écoles d'arts martiaux etc. Une période de profonds remaniements, période également où la ville d'Edo émerge peu à peu pour devenir la nouvelle capitale (Tokyo) après une longue période dominée par Kyoto. Période d'Edo dans laquelle entre autre le grand peintre Hiroshige nous fait voyager à travers certaines belles estampes comme celle-ci
Bref c'est dans tout ce background historique japonais que le livre Musashi nous fait voyager.
Le roman est parcouru de divers personnages intéressants et bien mis en exergue dans l'intrigue, à commencer par le héros, Takezō, "héros" entre guillemet d'ailleurs car avant d'évoluer c'était un véritable petit garnement, on pourrait plutôt parler d'anti-héros pour ce jeune rebelle prétentieux tel qu'il est décrit dans les premières pages du récit, petit trublion ayant survécu un peu par miracle à la terrible bataille de Sekigahara et qui se retrouvera traqué à la fois par les troupes Tokugawa et certaines personnes même de son village natal qui ne lui pardonnent pas certains comportements ..
Peu après ceci, Takezo sera rattrapé et aura à subir un châtiment qui lui ouvrira l'esprit, toute sa vie par la suite devenant une quête afin de s'améliorer non seulement spirituellement mais aussi pour perfectionner ses techniques de combat au sabre (quête qui l'amènera notamment à affronter les plus grands sabreurs de son temps .. )
Il changera ainsi de nom pour devenir le célèbre Musahi (qui est le même nom que Takezo en fait, mais selon la manière dont on lit les kanji)
S'il possède une place centrale dans ce récit, notre héros Miyamoto Musashi n'est cependant pas le seul personnage mis en avant il y en a beaucoup d'autres et le roman tire aussi sa force de diverses intrigues croisées intéressantes, à commencer par la quête d'une jeune fille Otsu qui s'éprend de lui malgré son passé sombre, fille qu'il repousse cependant en permanence afin de ne pas être perturbé par des passions amoureuses dans sa quête spirituelle et martiale.
(statue de Musashi situé sur le lieu de sa tombe, à Kumamoto)
Que dire de Musashi, le personnage historique, peut-être une petite présentation s'impose t'elle avant d'aborder le roman (mais est-il encore besoin de présenter Miyamoto Musashi ?) Pour ceux qui l'ignorent ou n'ont qu'une vague idée, c'est l'un des plus grands bretteurs japonais, adepte du kenjutsu ( littéralement « technique du sabre », autrement dit l'art du sabre des samouraïs, qu'il aurait perfectionné jusqu'à un point extrême ; Musashi est un véritable mythe au Japon parmi les ronins .. De son vrai nom Shinmen Takezō ((« Miyamoto » étant le nom de son village de naissance et « Musashi », une autre façon de lire les idéogrammes de Takezō) il serait né le 12 mars 1584 et mort le 19 juin 1645. Il est aussi considéré comme un grand artiste, callligraphe, peintre et également philosophe, pour exemple je poste ci-dessous une oeuvre qui lui est attribuée, et qui montre assez bien qu'il excellait dans d'autres arts que simplement celui de l'épée et d'autres activités qu'uniquement la baston ^^
Pour tout grand personnage héroïque il faut un antagoniste de taille, et dans le roman l'un des adversaires les plus fameux et remarquables de Musashi est le non moins mythique [urlhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Sasaki_Kojir%C5%8D]Sasaki Kojirō[/url] autre bretteur fameux ayant lui aussi réellement existé et dont la vie se situe aussi à cheval sur les périodes sengoku et Edo de l'histoire japonaise. Il est dit qu'il se battait avec une épée gigantesque, un long sabre à deux mains (nodachi) utilisant une technique appelée Tsubamegaeshi (littéralement « imiter le mouvement d'une hirondelle », nom qui provient des brusques mouvements et changements de direction de l'épée maniée par le ronin, un peu comme une hirondelle lorsqu'elle chasse. Kojiro fut instructeur de kenjutsu pour le compte de Hosokawa Tadaoki, seigneur de la province de Bizen et il mourut lors de son fameux duel face à Musashi, le 13 avril 1612 (duel qui s'est déroulé sur l'île de Funajima aujourd'hui appelée Ganryûjima) D'après la légende et certains témoins du duel, Musashi aurait vaincu Kojiro grâce à une rame de sa barque en guise de bokken, version qui n'est cependant pas certaine historiquement.
ci-dessous : duel Musashi / Kojiro
Quelques mots sur l'auteur du roman Musashi : Eiji Yoshikawa (1892 - 1962).
Il est né à Kuragi dans la préfecture de Kanagawa. Il fut très influencé par les grands récits épiques et populaires de la Chine et du Japon, comme la fameuse épopée chinoise Les Chroniques des Trois Royaumes (ayant notamment donné un récent très bon film par John Woo) ou encore le roman chinois Au bord de l'eau (n'hésitez pas à cliquez dans les topics concernés car ces oeuvres là aussi valent sacrément le détour !) ; Parmi les récits japonais qui l'ont marqué on peut citer le célèbre Le Dit des Heiké (Shin Heike Monogatari, dont il a écrit sa propre version), ou encore Le Dit des Genji ; C'est l'un des plus grands romanciers japonais du début du 20ème siècle, en France on le surnomme parfois le Victor Hugo japonais. Son roman Musashi a été tiré à plus de 120 millions d'exemplaires dans le monde.
La vie et les exploits de Musashi ont inspiré des tonnes de films, de récits épiques, ainsi que des animes, des mangas ; Pour ma part, mon rêve serait de voir un jour une bonne adaptation moderne de sa vie en film (au-delà de certains clichés), une adaptation assez sérieuse avec une mise en scène moderne ça pourrait être absolument fabuleux ; Dans la même veine j'espère vraiment voir une adaptation du manga Vagabond un jour mais quelque chose qui respire l'esprit profond du manga et qui ne soit pas dans un ton trop décalé ou trop cliché avec une belle mise en scène. Vagabond étant un manga également excellent non seulement par ses graphismes inouïs mais aussi son histoire qui est très inspirée de ce livre ;
Pour info mais vous devez aussi le savoir, Musashi est celui qui a écrit le fameux Traité des cinq roues (ou livre des 5 anneaux ) traité sur l'arbre du sabre que Musashi a perfectionné et qui est très connu de tous les adeptes de stratégie militaire un peu comme L'art de la guerre du chinois Sun Tze. Mais il serait réducteur de résumer le traité des 5 roues à cela car contrairement aux apparences est beaucoup plus qu'un simple traité sur l'art du sabre, inspirant aujourd'hui bien d'autres personnes notamment certains chef d'entreprises. Vous pouvez d'ailleurs l'acheter aussi dans toutes les bonnes librairies ^^
Je termine cette introduction au livre par une petite présentation vidéo d'un You tubeur ( qui est évidemment loin d'aborder toute l'essence de l'oeuvre )