Construit comme une fresque chronologique anti hyperbolique, elle prend rapidement le parti de suivre la gestion de l'accident par les yeux et la vie de trois protagonistes principaux, parmi des dizaines de seconds rôles plus ou moins récurrents. Principalement un responsable du parti, assisté de deux scientifiques experts en nucléaire, un homme et une femme.
L'épisode 1 montre les circonstances immédiates du drame et sa portée méga catastrophique, mais aussi - et surtout ? - la manière dont l'état gère la situation et évolue en cela, passant d'une logique de minimisation (c'est russe donc c'est forcément parfait) à une logique de décision prise à la lumière des dernières recherches et actions scientifiques.
L'épisode 2 s'attache à montrer le mode opératoire notamment humain des premières mesures prises par l'état pour tenter d'écarter le danger résiduel - largage de sables et de bore pour éteindre l'incident, puis envoi d'homme pour fermer une vanne en terrain radioactif), mais aussi suit la destinée de plusieurs blessés et familles de blessés.
L'épisode 3 tout en suivant l'évacuation des civils de la zone et la trajectoire des pompiers blessés , notamment un et de sa femme qui va le veiller jusqu'à son enterrement jusqu'à ensuite en perdre peu après l'accouchement le bébé qu'elle attendait alors, s'intéresse aux mesures ayant suivi, c'est-à-dire la nécessité de recruter des mineurs pour creuser sous la centrale pour pouvoir éviter une fusion du cœur du réacteur dans la nappe phréatique. Là encore, ils nous exposent le risque extrême couru par ses courageux mineurs qui vont jusqu'à bosser tout nu pour résister à la chaleur torride que fait régner les radiations.
L'épisode 4 prend le parti de nous montrer le quotidien de soldats envoyés sur le site pour abattre tous les animaux familiers plus les mesures prises pour retirer sans trop de danger humain la matière hyper-radioactive disséminée sur le toit de la centrale, tellement dangereuse que les robots disjonctent en quelques secondes. La solution trouvée est d'envoyer des robots humaines, soit des ouvriers devant impérativement ne travailler que 90s avant de se faire remplacer. De plus, les protagonistes principaux sont attendus pour une conférence sur l'accident dans un pays étranger. Ils décident de ne pas mentir, prenant un grand risque pour leur propre sécurité.
L'épisode 5 devrait narrer cette conférence, la finalité de l'enquête, et la construction du premier sarcophage je pense.
La série a pour principal intérêt qu'elle tâche de narrer au mieux l'accident nucléaire le plus important ayant été rencontré et géré jusqu'à aujourd'hui. Elle a donc une réelle valeur à la fois scientifique et éducative , mais aussi historique.
Un autre objectif est de montrer sans rien cacher les risques nucléaires et les conséquences si une catastrophe arrive ainsi qu'une manière d'y faire face. En corollaire, la série prend le parti pris d'insister sur le fait que sans le génie des experts scientifiques, les circonstances auraient été plus dramatiques encore - risque évité de justesse de destruction de plusieurs pays -
Aussi, le contexte politique est également à l'honneur, ici pour montrer comment le régime a pu tantôt freiner tantôt plus ou moins bien géré la gestion de la catastrophe, dans les heures, jours, semaines, mois la suivant.
Enfin, la série s'attache à mettre en évidence le courage énorme des travailleurs, appelés liquidateurs, et ce que leur sacrifice a pu sauver.
Ce que j'en pense :Il est nécessaire cependant de mettre tout de suite un gros bémol. Les détails historiques concernant l'accident sont plus que légions, et on peut rapidement dégager une évidence importante : il n'existe pas une version officielle de ce qu'il s'est réellement passé, mais des dizaines, voire des centaines (à ce sujet lire aussi
ceci ) . Pour des raisons diverses, dont certainement la réticence de l'URSS à admettre tous ses torts, mais pas que, également le secret d'état que la gestion de l'accident était et est peut-être encore, et un problème très actuel celui-là, la guerre permanente entre les industriels et la science pour vraiment s'accorder sur la mesure à donner aux conséquences de tout accident industriel - pensez à Fukushima, autre accident nucléaire majeur. Par exemple, selon les sources, le bilan humain en décès provoqué par l'accident de Chernobyl a causé entre quelques milliers et quelques centaines de milliers de morts. Une source intermédiaire avance par exemple que, hormis les premiers jours hyper irradiés, la plupart des décès seraient dus à une augmentation de 5% du nombre de cancers.
Comme auraient dit Mulder et Scully, la vérité est certainement ailleurs, sans doute entre les deux.
Bref, tout ça pour dire - lisez le wikipedia sur l'accident pour en savoir plus - que la série Chernobyl n'est au mieux que le récit d'une des versions officielles ayant été avancées après l'accident. De fait, c'est un curieux objet-ovni de matière à la fois scientifique et fictive, ce qui est déjà grandement intéressant comme objet d'étude.
Avec cela bien présent dans la tête, il est possible de regarder et d'analyser Chernobyl comme un mélange entre du romancé et du véridique.
Le véridique, c'est un chronométrage précis à la seconde près à compter de l'heure fatidique de l'explosion et sur ce point la série est incroyablement voyeuriste, et se regarde comme un film catastrophe ou un documentaire. Rien ne nous sera épargné et il est à la fois logique et sidérant de constater que les premières heures, décisives, ont débouché sur le traitement d'un incident classique, avec des décisions et inutiles et on ne peut plus cruellement coûteuses en vie humaine.
Ainsi, des pompiers ont été appelés pour larguer inutilement de l'eau, envoyant ces jeunes hommes à une mort atroce - et alors complètement nouvelle - en quelques heures jours ou semaines. La série ne fait pas l'impasse sur les dégâts physiologiques causés par l'hyper radiation, et se regarde alors comme un film d'horreur ou un documentaire sur pire que des grands brûlés.
En ce qui concerne la série en tant qu'objet filmique, elle jouit d'un très bon casting - Stellan Skarsgård (Docteur Selvig dans le MCU, ou l’acolyte de Charlotte Gainsbourg dans Nymphomaniac) y est magistral - de son trio de tête, et d'une excellente gestion d'acteurs. De plus, la mise en scène est impeccable et tient véritablement en haleine le spectateur, donnant tout à fait l'envie de regarder la suite. On reste tout à fait accroché devant l’écran à ce qui nous attend. Bien sûr, le premier épisode est logiquement le plus scotchant, mais la suite ne démérite pas, d'autant qu'en parallèle aux événements centrés sur la gestion de la crise, on suit une enquête palpitante devant mener peu à peu à faire comprendre aux scientifiques ce qu'il s'est passé. En effet, jusqu'à l'épisode 4, leur sentiment unanime est que l'accident n'aurait pas du se produire, car le protocole d'éviction avait été correctement suivi par les opérateurs, hélas tous décédé alors à l'exception d'un, menacé d'exécution pour négligence.
Les rapports entre le responsable étatique joué par Stellan Skarsgard et l'expert principal oscille entre pouvoir hiérarchique et compréhension humaniste mutuelle, quasi amicale sans jamais franchir ce pas, ce qui est là aussi très fin et tout à fait passionnant à suivre. Tout deux étant hyper surveillés par le KGB, cela laisse du champ libre à la troisième scientifique pour enquêter un poil plus discrètement en tout cas jusqu'à l'épisode 3 où elle rencontre quelques soucis du genre prison.
Garçon.
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'... "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'. Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous.